07 juillet 2019

Selon Mirabeau...

3423 - "Laure ? Ah, quelle petite bien éduquée ?"

L'illustration ci-dessus (due au talentueux Louis Malteste qui signe ici du pseudo "Ignotus") est extraite d'une réédition de 1923 du "rideau levé ou l'éducation de Laure", écrit anonymement par Mirabeau trois ans avant la Révolution, en 1786. L'image d'un trio très occupé au travers d'une grille (couvent ?) avec une entremetteuse portant une petite croix autour du cou mais s'apprêtant à pécher voluptueusement en préparant "le terrain" pour ce monsieur passablement excité d'être déjà commodément installé dans l'entrée principale...

La suite est facilement imaginable... En tout cas, moi je l’imagine.

Un peu de culture ne nuit jamais. C'est Sollers qui en parle le mieux dans un article de 2010, dans "le Monde", en expliquant bien l'affaire.

Philippe Sollers: "... (écrit) dans le style courant du XVIIIe siècle, c'est-à-dire la confession par lettres, Laure raconte son étrange éducation à son amie de couvent, Eugénie.

De quoi s'agit-il ? D'un inceste père-fille ! Ruse de Mirabeau, le père n'est PAS le géniteur de sa fille, il a couvert le fait que sa femme était enceinte au moment où il l'a épousée. Ici, l'humour est à son comble: comme il n'a pas engendré sa fille, l'inceste qu'il pratiquera avec elle ne pourra être que positif...

Le couvent, non seulement éloigne du bruit social, mais permet "les effets échauffants d'une imagination exaltée dans la retraite et l'oisiveté". C'est une prison, mais une prison favorable à l'excitation. De toute façon, "le bonheur des femmes aime partout l'ombre et le mystère". C'est une loi dont nous avons peut-être perdu la science.

La mère est morte, la fille est libre, son père l'adore et elle adore son papa, Laure va donc aller de découverte en découverte, aidée en cela par sa gouvernante de 19 ans, Lucette. Je vous laisse lire.

Mais qu'une fille (ou, plus tard, une femme) puisse déclarer, grâce à cette éducation parfaitement scandaleuse que "l'envie et la jalousie sont étrangères à son cœur", voilà la rareté de la chose. Supprimer l'envie et la jalousie serait donc possible ? Mirabeau veut en faire la démonstration...(...)"

Bref. Moi, c'est le dessin qui m'interpelle.

Le roman, bon je l'ai lu en son temps, voici des années. Même si on aime la littérature classique, c'est un peu ampoulé et passablement démodé pour un œil d’aujourd’hui.

Alors oui, il ne faut pas oublier que ça date du dix-huitième siècle évidemment, que les mœurs ne sont plus les mêmes et je doute que ça puisse exciter la libido un jeune d'aujourd'hui, sexuellement nourri à Spanking Tube ou YouPorn... Mais le roman fit scandale en son temps et ce jusque dans le milieu des années 60, où comme "la Religieuse" de Diderot, il fut considéré comme une œuvre pornographique (ce qu'il est indéniablement...) au même titre que "Emmanuelle" ou "Histoire d'O" longtemps interdits à la vente.

Extrait: "(...) Mirabeau a été un partisan résolu de la masturbation, surtout à deux, la solitaire entraînant "une très grande dissipation des esprits animaux"...

Ce qui est frappant, dans "Le Rideau levé", c'est la mise en garde contre les excès sexuels, aussi destructeurs que les grossesses forcées ou intempestives. Le sexe a une fonction de connaissance, mais sans cette connaissance il est très vite destructeur ou abrutissant. Au contraire, "tout est plaisir, charmes, délices, quand on s'aime aussi tendrement et avec autant de passion".

Mirabeau est très précis: toutes les positions y passent, en hommage à la vraie philosophie. Une philosophie que l'on peut dire résolument féministe, quitte à faire hurler ceux ou celles qui croient connaître le sens de ce mot..."

C'était la minute culturelle... Vous en faites bien ce que vous voulez. Ah, ici, un autre article...
Textes extraits du Monde © P. Sollers - 2010
Images © "Ignotus" (Louis Malteste)

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