28 janvier 2018

Nos classiques ont la vie dure !

3378 - "Mais oui, c'est tout un art !"

L'art de la fessée.

Ce livre dont j'ai quelquefois causé, parce qu'il est illustré par Manara, commence comme ça, avec une évocation qui remonte aux premiers jeux, qu'on appelle parfois "innocents" mais qui souvent ne le sont pas du tout. Les jeux évoqués, j'y ai joué aussi, très tôt avec ma cousine Anne...

Et un demi-siècle plus tard, je m'en souviens comme si c'était hier. Je suppose ça m'a forcément (dé)formé pour la suite de ma vie amoureuse en me marquant à jamais. Je me demande parfois, si elle, de son côté... Mais passons...

Extrait. Avec à la fin, quelques lignes qui heurteront sans doute, par les temps qui courent...

"C’était un de ces types qu'adorent les femmes. Je sais de quoi je parle, je m'appelle Eva. Vous m'avez sûrement vue en photo. Eva Lindt. La reine des potins, l'impératrice du scandale. Les journaux s'arrachent mes chroniques sur la vie sexuelle des stars. Je raconte que Steph ne couche plus avec Anthony et que le petit prince, décidément, préfère les bruns à moustaches, militaires si possible. 

"La Lindt". C'est comme ça qu'ils m'appellent à la télé où, tous les vendredis à dix heures du soir, j'offre une vue plongeante sur mon décolleté et des anecdotes salées à point que je distille entre mes lèvres goulues. Dans mon métier, il faut payer de sa personne. 

Revenons à ce type. Il est entré dans mon compartiment de première du Paris-Venise.. Je déteste les avions où, contrairement à ce qu'affirmait jadis une certaine Emmanuelle, il ne se passe jamais grand-chose. Les trains sont propices aux rencontres. Surtout les "longues distances". 

J'avais choisi le 7h42. Il flottait sur la gare de Lyon une brume d'été, bleue et chaude. Je portais un tee-shirt échancré et cette mini-jupe de cuir fauve qui incite les hommes à me faire des confidences. J'ai une manière de la remonter sur les cuisses qui leur en fait dire bien plus qu'ils ne voudraient. 

J'étais seule, coin fenêtre, sens de la marche. L'homme a inspecté les sièges vides, sans même m'apercevoir. Il a posé un sac de voyage sur le porte-bagages et s'est assis en face de moi. Ses jambes ont frôlé les miennes. Il s'est excusé d'un vague sourire... 

Je le dévorais des yeux. Grand, encore mince, les tempes blanchies et juste assez de rides pour donner l'impression d'avoir beaucoup aimé et encore plus souffert. Pantalon blanc, chemise en toilette jean bleue, sandales beiges. J'ai poussé un soupir pour gonfler ma poitrine. Je me suis tortillée sur mon siège. J'ai laissé tomber un journal... Peine perdue ! L'homme regardait par la fenêtre. Ses yeux semblaient fixés sur les fesses rebondies de voyageuses qui se bousculaient vers les wagons. 

Une jeune fille a rasé le quai devant nous. Un short ultra-serré la moulait divinement comme une seconde peau. Elle avançait en se tortillant et en faisant saillir les globes charnus qui débordaient de l'étroite bande d'étoffe. Mon voisin a avalé sa salive. Il s'est à demi levé. J'ai cru qu'il allait se jeter sur le quai. Mais il s'est renfoncé dans son siège, a sorti de sa poche un petit carnet vert dont il a tourné pages et s'est mis à écrire avec précipitation. 

Juste à ce moment, le train est parti. 

Comme nous approchions de Dijon, le voyageur avait les yeux clos. Il sommeillait, son carnet posé sur la banquette à côté de lui. Ma curiosité a été la plus forte... Défaut professionnel, en quelque sorte. 

Doucement, j'ai tendu la main et j'ai saisi le carnet. Je l'ai ouvert à la première page. En lettres capitales s'y détachait un titre: "L'ART DE LA FESSÉE"...

En dessous, au crayon, était dessiné une scène qui me fit venir une douce moiteur au creux du ventre. 

On y voyait un homme qui ressemblait trait pour trait à mon compagnon de voyage. Il était assis sur le rebord d'un lit. Une fille était couchée en travers de ses genoux. Jupe retroussée plus haut que la taille, culotte baissée sur les chevilles. Elle offrait un cul de rêve, rond, avec juste ce qu'il faut de pointu pour le rendre malicieux. L'homme avait la main levée pour lui administrer une fessée dont les marques s'inscrivaient sur la chair tendre et élastique. Cela m'évoquait des souvenirs. 

Non que j'aie jamais été fessée, petite ! Ma génération a été privée de ces bonheurs... Du moins, avec les parents et les maîtres. Mais j'avais en tête les images de la comtesse de Ségur. Je tremblais de plaisir en lisant récits où l'instituteur fait venir l'élève fautive, la déculotte. devant toute la classe et lui inflige une punition qui semble à tous délicieuse... 

J'essayais de recréer ces séquences avec mes deux cousins, légèrement plus âgés que moi. Nous nous enfermions dans ma chambre. Ils m'ordonnaient d'ôter ma robe. Je restais en chaussettes et en slip. Tous deux tiraient sur ma culotte et la baissaient sur mes chevilles, sans la retirer. L'aîné prenait place sur le rebord du lit. 

Il commandait: - "Couche-toi sur le ventre !" En m'allongeant, je sentais son sexe gonflé dans son short kaki d'éclaireur. J'appuyais de tout mon ventre sur la bosse qui se dressait encore plus et me rentrait dans l'entrejambe. Mes cousins m'inspectaient les fesses, écartaient, les tâtaient. Ils me plongeaient, chacun à son tour, un doigt dans l'anus. Le ventre me picotait de plaisir. Je retenais mon souffle. Je savais comment la scène continuerait... 

Cela commençait par un coup sec, qui s'abattait sur ma fesse droite et me faisait tressaillir. Ma peau, je le devinais, rosissait. Je me cabrais et accentuais le frottement de mon corps sur le sexe de mon cousin dont le souffle, dans mon dos, se précipitait. Il répondait par une tape plus violente, qui m'inondait de chaleur. 

Puis mon autre cousin intervenait, à sa manière, plus délicate. Il effleurait la peau et tapait de biais, comme s'il pinçait. 

Plus tard, en Italie, je devais retrouver ces sensations dans les rues de Florence ou de Milan, cette manière insolente et sensuelle qu'ont hommes de pincer les fesses des femmes qu'ils trouvent à leur goût. Les féministes trouvent cela machiste, dégoûtant, humiliant. Moi, ces mains inconnues qui m'effleuraient, me tâtaient, me flattaient, cela me mettait dans tous mes états. Je rentrais trempée de désir à l'hôtel. Je me jetais sur mon lit et me caressais d'une main, tandis que de l'autre je continuais de me peloter les fesses. 

Pizzicato, allegro, vivace, fortissimo... (...)"

Auteur de sept romans, Jean-Pierre Enard est mort à 44 ans en 1987. Après avoir été successivement rédacteur au "Journal de Mickey", chercheur de gadgets pour "Pif", puis directeur de la fameuse Bibliothèque rose, il choisira de se consacrer plus intensément à l'écriture de ses romans.
Las, ses plus beaux succès sont posthumes, avec la publication de deux ouvrages érotiques que sont "Les Contes à faire rougir les petits chaperons" publié chez Ramsay en 1987 et donc "L'Art de la fessée", isuperbement llustré par Milo Manara dont vous venez de lire le début...
L'Art de la fessée © Enard / Manara - Glénat

9 commentaires:

Ana a dit…

Coïncidence, je suis justement en train de le lire pour la première fois :)

Stan/E. a dit…

@Ana: J'attends une fiche de lecture, alors... il se trouve que cet album sorti il y a 30 ans était chez mon éditeur d'alors et que le gars du stock au Rez de chaussée m'en avait offert un lors d'un de mes passages, un peu surpris que ça m'intéresse. Le sujet, je veux dire.

J'ai bien tenté de justifier par un "oh, j'adore tout ce que fait Manara..." mais il a eu un petit sourire montrant qu'il n'était pas certain de mes explications un peu embarrassées...

Mi-ange a dit…

Ah Manara... Je l'ai lu pour la première fois il y a peu.
Et si je n'aime pas tout ce qu'il a fait (enfin, graphiquement, si).
Celui là je l'ai lu et relu.
Prête pour l'interrogation orale ou écrite. (Rire)
Sa façon de dessiner les culs des femmes est tout simplement fantasmant.
A ce propos, je crois que je vais le relire...tout de suite.
Quand a être gênée : j'ai commandé mon tout premier (Le caravage) à la minuscule bibliothèque du village.
Pas mon préféré, mais ils ne connaissaient même pas Manara !!!... mais me fallait ma dose... comme quand me fallait mon Gottlieb adolescente.
Pour la passion du dessin, évidemment. Hein.
Pensez... Sage comme je suis, la fessée ce n'est pas pour moi : je me suis perdue, je passais ici par hasard...hum...

Charles a dit…

Bonjour Stan,

Mais vous êtes passé aussi maître dans l'art de la Fessée ? Me trompe-je ?
Dites Stan : Manara: ça me rappelle le post d'Avril 2015 intitulé "En auto avec Milo". Une sorte de carte blanche proposée à vos fidèles amis de la Toile. Le lettrage était resté en suspend... Bel exercice.
Charles.

Stan/E. a dit…

C'est pas simple de faire bouger les gens...

Stan/E. a dit…

pour Manara,oui... Tout n'est pas aussi enthousiasmant. Mais c'est un génie.

Charles a dit…

Tout à fait d'accord avec vous, Stan...
"Il est plus facile de pousser une montagne que changer l'esprit des gens" (proverbe chinois).
Et c'est parfois dommage. Mais bon...
Charles.

Ana a dit…

Il y a de fortes chances que j'en fasse une, ne serait-ce qu'à l'intention de celui qui me l'a offert à Noël.

Stan/E. a dit…

Je sens bien que ce n'est pas anodin... j'ai dû l'offrir à trois amies différentes au fil des années, ce livre... c'est quand même plus sympa que "les infortunés de la belle au bois dormant" de la très surcotée Anne Rice.