02 juin 2020

Maureen O' quelque chose ?

3491 - "♬ ♪ Un jour j'irai à New York avec toi ! ♪"

... Toute la nuit déconner ?

Je l'avais repérée, sitôt arrivé dans ce cocktail. C'était dans une de ces innombrables galeries de Soho à deux pas de Little Italy où mon éditeur américain avait organisé un barnum mondain dans lequel se pressaient pas mal de journalistes et d'Auteurs pique-assiettes se haussant du col, tout en s'empiffrant de petits fours et de bagels au saumon...

Faut dire qu'avec sa robe verte discrète du genre de celles qu'arborent les filles le jour de la Saint Patrick dans les rues de Cork, on ne pouvait pas louper cette petite jeune femme rousse au regard vif. Irlandaise assurément... Elle écrivait des guides de voyages branchés vins qui avaient un certain succès auprès de bobos new-yorkais, m'a dit mon voisin en rigolant, voyant que je fixais la demoiselle avec les yeux sortis des orbites du loup de Tex Avery.

On a échangé des regards de loin et même un sourire qui - j'ignore pourquoi - m’avait semblé indiquer une invite... Mais je suis assez myope et plutôt timide, ce qui fait que j'évite les quiproquos. Malgré tout, ça m'avait incité à me rapprocher d'elle, tentant une percée au cœur des invités et bousculant des groupies campant autour du buffet, un peu offusqués par l'impolitesse de ce frenchie pressé, visiblement sans manières.

Las, ce fut en vain: la jolie demoiselle avait été happée par la foule comme dans la chanson de Piaf. Je ne l'avais pas revue et j'étais vaguement dépité en retournant à l'appartement situé dans une tour de ce coin de Manhattan d'avant 9/11 qu'on m’avait prêté pour la semaine de mon séjour.

Je déteste les hôtels. L'attaché de presse de l'éditeur avait bien fait les choses et la vue était superbe.

En sortant de la party agacé, j'avais pris un taxi qui m'avait ramené jusque chez moi. C'est en descendant après avoir réglé le chauffeur, un Haïtien jovial qui m'avait bien tenu la jambe en constatant que j'étais français que j'ai eu un choc...

La jeune femme en vert entrait dans le même immeuble ! Dans le hall je l'ai vite rattrapée et nous avons attendu l’ascenseur ensemble... Elle m'a sourit à nouveau. Moi aussi, niaisement.

- "Hey ? Mais... ? On s’est pas déjà vus quelque part ?"

Entrée en matière parfaitement bateau qui nous a permis alors d'échanger quelques banalités autour de la qualité du buffet pendant qu'on grimpait vers les hauteurs... Je cherche désespérément un sujet tente de me montrer drôle. French Touch ?

Le hasard fait que nous sommes au même étage... Quand la porte s'ouvre, je m'efface alors pour la laisser passer, elle va sortir après un simple "good night". C'est trop con, je vais pas laisser passer cette beauté rousse sans tenter un truc. J'ose alors lui proposer, d'une voix que je crois assurée mais qui ressemble à un coassement en anglais, de venir boire un verre avec moi.

Elle se retourne et me regarde alors, me jaugeant de la tête au pieds comme un paysan examine un veau dans une foire aux bestiaux, évaluant la bête.

- "It's very kind of you... But I'm so tired..."

Putain ! Recalé, y'a un truc qu'a pas dû passer. Je rougis comme un imbécile, vexé comme un pou et balbutiant à mon tour un "good night" qui ressemble davantage à un: "tu ne sais pas ce que tu perds, connasse !" de dépit...

- "Oh too bad... Sure ? “ j'insiste à peine, cette petite conne me plaît vraiment et je brûle de lui relever sa putain de robe vert émeraude... Mais c'est assez mal engagé.

Rien n'y fait, on part chacun de notre côté ! Je rumine en pensant à certains de mes copains du métier, dragueurs invétérés avec une tchatche de garçon coiffeur et qui eux - j'en suis sûr - seraient arrivés à leurs fins... Mais c'est peu dire que cette façon de faire n'est pas mon fort...

Pour me changer les idées, je sors un Coke et allume la télé pour me plonger dans un de ces shows à la con totalement sans intérêt dont les Ricains sont si friands, tout en ruminant ma déconvenue. D'autant que j'ai beau zapper, toutes les chaînes semblent présenter le même programme.

Il ne s'est pas passé un quart d'heure, qu'on toque à ma porte... Elle !

- "J'ai oublié de me présenter: Maureen... Maureen O'R... " 

Elle n'a pas fini sa phrase et là sur le palier m'a roulé un patin décisif sentant assez fort le whisky. Je ne bois pas mais je n'ai pas fait la fine bouche. Et j'ai mangé son nom en même temps que sa langue. Et plus tard dans la nuit, tout le reste.

En fait, "O'" quelque chose, un truc très très irlandais évidemment...

Mais je dois avouer que bien des années après je ne me souviens plus de son patronyme. O évoquait pour moi essentiellement l’héroïne de Pauline Réage de "l'Histoire" du même nom et vu la nuit agitée et ponctuée de quelques fessées retentissantes que nous passâmes devant les lumières de Manhattan, ça lui allait plutôt bien...
Dessin: "New York avec O" © Stan/E. - 2020
Modèle : Masami

5 commentaires:

Maureen O a dit…

Gosh!I love that post...

Stan/E. a dit…

Funny, huh ?

Stan/E. a dit…

Pour vraiment dire les choses, et par la même occasion répondre au mp d'un mien lecteur apparemment agacé par ma bonne fortune 25 ans trop tard, oui l'histoire est authentique... enfin à 95%... si ce n'est que la dame ne s'appelait pas du tout Maureen, mais c'est là le privilège de l'auteur que de ne pas tout dire et d'adapter ses souvenirs pour les "fictionner" un peu, cacher les noms, changer les lieux et modifier les dates,.

Mais elle écrivait bien des bouquins sur le vin...

Le commentaire du haut est donc bien tenté. mais à côté de la plaque.

Anonyme a dit…

Très joli souvenir bien romancé et agréable à la lecture Stan.

Stan/E. a dit…

C'est gentil, Anon' et effectivement un joli souvenir à peine modifié (mais un peu quand même...) si ce n'est que j'aurais bien aimé voir un pseudo...