- "T'es sûre que tu ne veux pas qu'on aille dîner dehors ?"
Elle s'étire comme une chatte, assise sur un des deux lits de la chambre d'hôtel. Le regarde en souriant. La réponse fuse:
- "Non. Je préfère pas: j'ai fait deux heures de voiture pour venir te voir, je repars à l'aube... On reste là !"
Ça sent le room service. Après tout, pourquoi pas ? Pas une seconde de trop ni de temps à perdre, cette fois...
Il préfère d'ordinaire la surprendre en l'emmenant dans un de ces endroits rares et dits "de charme" qu'ils affectionnent découvrir ensemble. Cette chambre impersonnelle dans une bâtisse usuellement réservée aux séminaires pour commerciaux de tous poils ne l'emballe guère. Il a a peur de la décevoir en devenant banal et a le sens du décor...
Elle aussi, mais là, Elle s'en fout !
Il s'est éclipsé de la conférence en douce et du coup ils sont arrivés tôt dans la chambre pour se parler les yeux dans les yeux. Retrouvailles d'amoureux de quelques heures à peine après plusieurs semaines passées sans se voir. Ils ont à chaque fois besoin d'un sas de décompression pour se réapprivoiser, la durée est relative: parfois quelques secondes, d'autres fois plusieurs minutes, mais c'est rapide...
Un éclat de rire, un sourire complice, un regard en coin coquin, un doigt dans la bouche, un mot qui fait mouche. Des trucs un peu louches...
Voilà une heure qu'ils se parlent. Il l'a juste embrassée, effleurée, ils sont tous deux assis face à face, encore habillés, très sages. Elle a froid et s'est entourée d'une couverture posée sur ses épaules, assise en tailleur. On dirait une squaw devant son tipi...
Et soudain d'une voix douce sans changer de ton, Il lui demande de se lever. De défaire sa ceinture, de déboutonner et de baisser son pantalon.
Il aime passionnément cet instant précis. Quand son regard devient flou dès qu'Elle sait que le jeu commence. Son trouble réel, cette façon unique bien à Elle de se mordre la lèvre inférieure, de fermer de jolis yeux d'ordinaires vifs et moqueurs, à présent fuyants et qui clignotent un peu nerveusement avant de se clore pour de bon...
Il s'assied posément. La prend d'autorité par le bras et l'installe en travers de ses genoux. Elle n'a plus qu'une illusoire protection, sa petite culotte blanche en dentelles (Elle sait qu'Il préfère ça au noir...) qui ne va pas rester très longtemps en place... Il fesse à nu.
Quand Il la redresse après la correction de retrouvailles, Elle se serre contre lui, la tête dans son épaule sans parler avec de petits soubresauts pendant quelques longues secondes avant de l'embrasser à plein bouche.
Il l'a fessée fort.
Elle lui dit. S'amuse de ce que le temps qui passe et la rareté de leurs jeux l'a peut-être rendue sensible à la douleur, du coup...
- "Dis donc ? C'est toi qui claque plus fort ou moi qui suis devenue douillette ? J'ai l'impression que tu m'as fessée avec plus d'intensité que d'habitude..."
Il sourit sans répondre. Pas faux. Mais ce qui est essentiel, c'est ce qu'Elle lui dit ensuite:
Que c'est toujours au moment où Elle va atteindre le point de rupture, son seuil de douleur et ressent qu'il ne faut pas qu'Il aille au-delà - bref que c'est assez - que comme par magie et sans se concerter, la fessée s'arrête. À la claque près.
Au bon moment, dans le bon tempo et sans avoir convenu d'un "mot de passe". Une entente mutuelle implicite qui est clé de tout:
Elle sait que quelles que soient la force et l'intensité de leurs jeux, Il fera toujours attention à Elle...
PS: Ah... Le room service était délicieux. Aussi.
dessin © Manara - L'Art de la fessée
7 commentaires:
Je me réveille tranquillement, croque une pomme et ouvre mon ordi...quel joli réveil...merci E !
J'ai trouvé beaucoup de poésie dans tes mots. J'aime ce que tu appelles le sas de décompression, j'avais utilisé moi aussi ce terme pour définir ce moment trouble où l'on vacille un peu, où l'on se sent un peu gauche...mais cela a son charme...
Ce qui est étonnant et fort je trouve c'est la capacité de se recentrer pour reprendre les rennes sans changer de voix. L'homme qui est sûr de lui n'a pas besoin de hausser le ton.
En tous les cas, jolie histoire.
@ Amoureuse: Reprendre les "rennes", je sais bien que Noël approche et j'avoue que j'adore l'expression. J'ai bien ri...
Mais ce sont plutôt les rênes, hein... Cheval, selle, cravache. Tout ça se tient.
Rires....je me suis posé la question avant de poster et puis j'ai dit...aler, on verra bien...et j'ai vu !
Je fais qq fautes, souvent les mêmes d'ailleurs, un autre reste de l'enfance...incorrigible parait il !
@ amoureuse
Oui "allez" ... :D)
rhhaaa je suis une peste. Je les aligne facile les fautes et elles sont beaucoup moins "mignonnes" que toi (et beaucoup plus nombreuses mais...passons)
@ E
"Un éclat de rire, un sourire complice, un regard en coin coquin, un doigt dans la bouche, un mot qui fait mouche. Des trucs un peu louches..."
J'aime beaucoup ce passage. Très...Si...et tellement... J'aime beaucoup ce passage quoi. )
Oui, c'est celui que j'avais repéré lorsque je parlais de poésie...
"Allez"...rires, ça c'est de l'inattention...
Lire en se reconnaissant. Non pas soi, mais comme devinant cette possibilité. C’est ce pourquoi la plupart de vos écrits nous semblent ‘intimes’. Ils nous offrent l’occasion de nous y retrouver, pleinement. Sans doute parce que vous savez évoquer ‘nos’ pensées les plus intimes, de ces moments là, sans les dénaturer.
Encore une fois c’est vérifié, ici, dans ce récit tout en’ ambiance’ plutôt qu’en ‘pratique’.
La phrase que je préfère est ‘Il fera toujours attention à Elle...’.
L’essentiel est dit, là.
Soudain on se dit qu’Elle a bien de la chance de vous avoir trouvé, troublé.
@ Nush: Décrire la pratique n'a pas tellement d'intérêt. les atmosphères et les ambiances, par contre, offrent bien plus de couleurs et de troubles...
Quand à "m'avoir trouvé", il y a une part dans ces récits qui concentre des désirs, vécus ou non pour en faire une nouvelle, avec deux personnages récurrents que sont Elle et Lui...
Ne pas y voir le reflet d'une vérité à la lettre non plus...
Just a game.
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