"Maîtresse" de Barbet Schroeder...

604 - Hier soir sur Paris Première, "Maîtresse" de Barbet Schroeder... Je regarde d'un œil distrait, je l'ai vu au cinéma à sa sortie en 1976 et une ou deux fois à la télé depuis.

Étonnant film ovni, même à l'époque, avec la ravissante Bulle Ogier (qui est la compagne du réalisateur franco-suisse) dans le rôle titre et Gérard Depardieu à ses débuts.

Donc mince...

Des images très crues, à la limite de la pornographie, sexes apparents et sévices (compris...) filmés sans complaisance de façon drôlement (!) réaliste... Âmes sensibles s'abstenir ! Il faut savoir que Bulle Ogier a été "doublée" dans les scènes SM par de vrais pratiquants, maîtresses et esclaves. D'où l'authenticité saisissante de séquences donnant au spectateur l'impression dérangeante de devenir voyeur d'un spectacle trouble réel...

Il y a dedans (entre autre) un passage plutôt glaçant concernant la fessée, mettant en scène une fille docile et la tête baissée présentée par son époux, un moustachu chevelu cravaté et emprunté.

"Voilà donc cette jeune femme qui a besoin d'être corrigée, qui n'est pas très sage..." dit d'une voix douce l'héroïne Ariane, la "maîtresse"...

C'est Gégé qui officie sur les fesses nues de la malheureuse...

La fille est fermement maintenue par son mari qu'elle étreint et embrasse en le remerciant, sous le regard de leur hôte déguisé pour la circonstance en valet de pied, comme Nestor dans Tintin....

Depardieu - ou plutôt Olivier, son personnage - la corrige à la ceinture puis à la main, assez brutalement mais maladroitement et sans grande conviction sous les yeux et le sourire d'Ariane qui le regarde officier....

N'empêche que le sang perle sur le cul meurtri et rougi de la dame. Plutôt réaliste, la peau peluche et les marques semblent comme gaufrées par endroits.

Les effets spéciaux, évidemment...

Ça se passe dans un château avec valet à gilet rayé et couple libertin des années 70, dans une ambiance qu'on croirait extraite d'un Marc Dorcel...

Bref un long-métrage dérangeant, sombre et âpre d'où l'humain ne ressort pas grandi. Mais il n'empêche que l'on peut y trouver du charme. Malgré l'aspect un peu démodé toutefois (le film a plus de 30 ans) autant dans les dialogues que dans la mise en scène...

À noter qu'en dépit de l'obscénité et la crudité du propos, le "statut d'Auteur" de Schroeder lui évitera les foudres de la censure, pourtant active à l'époque...

Il partira ensuite aux USA y tourner des choses radicalement différentes, comme "JF partagerait appartement", travail de commande où sa patte n'apparait pas et pour lequel n'importe quel cinéaste ferait l'affaire. Un monde de réalisateurs interchangeables, sans grand dommage pour le spectateur qui vient voir une pure distraction avec un début, un milieu et une fin classique..

Je lui vois un parcours à la Verhoeven, Européen comme lui et perdant un peu de son âme - mais pas de son savoir-faire - à Hollywood avant de revenir avec des œuvres crues et moins formatées qui lui ressemblent à nouveau.

"Maîtresse" reste en fin de compte et après nouvelle vision un film étrange et atypique dans la riche carrière du cinéaste.

À voir, si on est intéressé par le sujet, plutôt intemporel au final... En n'oubliant pas que le propos est quand même pervers en diable... Mais, même dérangeante, c'est aussi une véritable histoire d'amour, après tout !