La dame, car je crois bien que c'en est une, raconte les innombrables fessées maternelles reçues à une époque que l'on suppose loin d'un politiquement correct ambiant, vers les années 60/70... Il y a sans doute une part littéraire importante dans ces reconstitutions écrites des punitions infligées. De l'imaginaire fantasmé aussi. Je ne peux croire que les punitions étaient à ce point quotidiennes...
Aînée d'une fratrie de trois filles, elle devait probablement servir d'exemple pour ses jeunes sœurs. Mais ce n'est jamais facile d'être la plus grande, et de montrer le chemin. Certaines histoires qu'elle narre joliment (car c'est bien écrit...) ressemblent fort à des tranches de vie, des moments que j'ai traversé dans mon enfance, que ce soit en acteur, ou surtout en témoin...
Car les mères fessaient souvent dans ces années-là sans s'en cacher...
Entre 1972 et 1976, j'ai eu un temps une voisine qui punissait sa fille de cette façon. Loin du politiquement correct, j'ose avouer que ça me troublait de vivre à côté de "Sophie de Réan" et de la redoutable "madame Fichini", "la marâtre", comme l'appelait en souriant Maman qui trouvait bien la voisine un peu "dérangée". Mais de là à s'immiscer...
De nos jours, peut-être qu'elle appellerait l'assistante sociale immédiatement. Mais on ne se mêle pas aisément de ce qui arrive chez les voisins... Ce n'est pas une question d'indifférence, juste une autre époque, moins concernée...
Et puis, corriger une gamine qui le mérite, même souvent, quand soi-même on est passé par là, pas de quoi en faire un drame...
"On ne meurt pas d'une bonne fessée..." J'ai souvent entendu ça. Loin des faits-divers sordides dont on nous parle parfois... Non, dans le cas de ma voisine, il ne s'agissait pas d'une Cosette allant au puits avant de croiser Jean Valjean et encore moins d'enfant martyre sur lequel pèserait un mur d'indifférence non plus, ne vous y trompez pas.
Et puis que ce soit clair: je ne cautionne rien, ni n'excuse quoi que ce soit. Je raconte tout simplement du réel, là...
Pour un môme nourri dès son plus jeune âge aux "malheurs de Sophie", le concept éducatif "née Rostopchine" devient très naturel et les fessées résonnent étrangement dans mon cortex... Jusqu'à aujourd'hui, des décennies après.
Libido, quand tu nous tiens...
Revenons à Christine et à ses histoires illustrées... Des récits de fessées, j'en ai lu des tas depuis plus de 40 ans, que ce soit en "littérature de gare" ou même chez de grands auteurs. Des trucs formidables et d'autres bien moins réussis... Ceux-là me plaisent.
Je n'ignore rien du pouvoir érotique qu'ils ont sur moi, faisant partie de mon imaginaire depuis mon plus jeune âge et mes premiers émois.
Comme pour beaucoup d'enfants nés à la fin des années 50 - début des années 60, le sexe était un sujet tabou à la maison et on ne parlait pas de ces choses-là chez moi.
J'ai donc, je l'avoue, eu des émois sexués avant de connaître le mot, des érections tendues presque douloureuses avant de comprendre qu'il n'y avait pas d'os sous la peau et des jouissances "inquiétantes" (ce liquide sortant de moi sans que je sache quoi que ce soit ? Sans doute aussi traumatisant que les premières règles pour une fille à qui personne n'a expliqué avant que c'est normal...) dont je ne connaissais pas la cause, mais uniquement les effets humides...
Bref, quasi jusqu'à mes 16 ans, je ne savais RIEN. N'en parlant avec personne, je me supposais de surcroit anormal, voire monstrueux, d'aimer surprendre les fessées reçues par mes copines et d'avoir tripoté mes cousines en cachette à de nombreuses reprises lors de réunions familiales qui auraient été foutrement insipides sans cela, tremblant d'excitation de le faire, avec la sensation de braver un épouvantable interdit mais sans pouvoir mettre un nom là-dessus pour autant...
Les histoires de Christine offrent un témoignage intéressant sur une certaine façon d'éduquer les filles à l'époque de "Diabolo-menthe".
Ses récits sont illustrés par des images prises un peu partout sur le net, sur des sites avec des modèles "connus", ce qui me gêne parfois, au détriment du récit que j'aimerais imaginer moins anglo-saxon dans sa représentation. Et aussi parce que je reconnais bien des "spanking models"...
Un temps hébergée sur Flickr, elle a été censurée à plusieurs reprises et de guerre lasse a quitté le site et ouvert depuis un blog pour reprendre le fil plus tranquillement à sa guise.
De nombreuses histoires sont passées à la trappe dans l'opération, Christine n'ayant pas pris la précaution de sauvegarder ses textes et c'est dommage... Depuis, elle se refait une santé et a réécrit la plupart des récits perdus. Les commentaires des lecteurs et des lectrices sont très intéressants aussi, ne passez pas à côté.
On est loin de la fessée en couple, évidemment... Et l'érotisme est très absent, du moins dans son sens initial. Mais dans la genèse de ce trouble pour moi (et pas mal d'autres qui continuent, adultes) les émois d'antan ont leur place entière...
Dessin et gravure: "Cosette" © Émile Bayard
11 commentaires:
Enfant, j’ai bien sur lu, comme beaucoup ici surement, ‘les malheurs de Sophie’ et ‘l’auberge de l’ange gardien’, mais aussi ‘un bon petit diable’ avec la mère Macmiche, dont on parle moins souvent mais qui était génial avec le coup des diables qui sortent de la culotte.
Et puis un jour, mon père a rapporté à la maison deux gros albums réédités des aventures de Bicot (avec entre autre, Bicot président du club des Rantanplan …Ouaip ! ;-) Que-du-bon- heur !
On a eu les mêmes lectures. Et je m'identifiait plus à Charles Mac Miche qu'à la petite Sophie, assurément...
Les diables sortant de la culotte marchaient sur les esprits croyants en la religion et le Bien ou le Mal, des concepts essentiels à cette époque. De nos jours, les mécréants que nous sommes devenus rigoleraient du subterfuge avant de fesser de plus belle.
Et bien, vous êtes prolixe ce matin mon ami !
Un bon petit diable a été un des premier livre que j'ai pu lire avec les malheurs de Sophie, j'adorais son imagination pour trouver quel bêtise elle pouvait bien commettre pour la journée. Moi qui était sage à la limite de l'insipidité, j'enviais ce caractère et cette ouverture au monde (parce que faire des bêtises, c'est aussi expérimenter, c'est plus dans le regard des adultes que cela s'apparente à des bêtises à corriger).
Je me souviens de trois fessées. J'ai toujours pensé qu'elles n'était pas méritées. Rapporter un 0/20 en dictée pour moi mettait plus en avant une défaillance de la part de l'adulte sur l'intérêt de ce l'enfant à besoin d'apprendre. (pourquoi ne surveillent t ils pas mes leçons? pourquoi ne m'expliquent t ils pas telle ou telle règle de grammaire au lieu de s'attacher au résultat?) Mais bien sûr je n'étais pas causette non plus. Des parents qui travaillent fort, qui font ce qu'ils peuvent avec une famille nombreuse.
La fessée que j'ai le moins acceptée, c'était parce qu'on venait de me voler mes patins à roulettes (tout neufs) que j'avais laissés devant la maison. J'avais du dire "mais c'est le voleur qu'il faut punir, pas la volée"! enfin, la volée, c'est moi qui l'ai reçue.
Mais je me trouve des excuses, peut être qu'en fait c'était légèrement mérité. Je passais mon temps à rêver, ça devait bien me coûter quelque chose.
Au travers de votre éloge du blog de Christine vous soulevez quelques questions qui méritent qu'on s'y arrête. Bien que nous ayons eu peu d'échanges directs vous avez dû comprendre que la fessée est un sujet qui m'intéresse pour lui même, cependant ce qui m'a séduit d'emblée dans ces "Souvenirs d'une jeune fille punie", indépendamment des affinités que j'ai pû trouver en ce qui concerne le contexte familial, la génération, le milieu social..., c'est qu'au travers de récits dont vous soulignez justement la qualité, elle abordait la quesion de ses rapports avec sa mère. Enfin c'est ce que moi j'y ai lu, sans doute avec partialité, voire égoïsme, sachant que c'est un sujet qui m'intéresse au moins autant que la fessée proprement dite. C'est la fusion de ces deux thémes telle que je l'ai trouvé dans beaucoup de ses récits qui m'a décidé à lui écrire.
Franchement les fessées elles mêmes ne m'ont pas beaucoup traumatisée ; en revanche ce qu'il y avait à-côté, tout ce jeu de manipulation sentimentale, de chantage à l'affection, ce genre de rapport incroyablement malsain qui peuvent régner entre une mère et sa fille (j'ai pas mal discuté de la question avec plusieurs de mes amies - en laissant de côté la question des punitions- et je sais que ce que je ressent n'a rien d'exceptionnel), tout cela je ne m'en suis pas encore libérée.
Pour en revenir aux fessées proprement dites, vous faites bien de mentionner l'importance des lectures. Ces allusions que l'on peut glaner dans le romans, les bandes dessinées, peut-être les aurais-je moins remarquées si je n'avais pas eu d'expérience directe de ce genre de punition, cependant je reste persuadée qu'elles ont joué un rôle dans l'entretien d'une fascinaton qui dure encore (ce que je trouve remarquable d'ailleurs n'est pas qu'elle ait duré si longtemps, c'est qu'elle soit apparue si tôt !).
Comme vous j'ai lu et relu les romans de la Comtesse de Ségur. Ces histoires me proposaient des modèles d'héroïnes à qui je pouvais m'identifier, mais lointaines, distanciées, vivant dans un autre monde, celui des châteaux à la campagne, des bonnes, du second empire. Les punitions qui y étaient évoquées me faisaient frémir, mais l'univers où ces évènements se passaient était si éloigné du quotidien que les émotions que je ressentaient lors de ces lectures étaient comme purgées des sentiments désagréables associés aux punitions réelles. Je crois que c'est en suivant ce principe que je me suis assez tôt complue à imaginer des récits de punitions dont la principale caractéristique était qu'ils avaient le moins de rapport possible avec la vie réelle. J'y étais quelqu'un d'autre : princesse, exploratrice, héroïne... quelqu'un qui était moi sans l'être vraiment ; la figure de ma mère s'effaçait pour être remplacée par celle d'une marâtre, un père, un juge... ; j'imaginais des punitions sévères, injustes, je me rêvais telle une rebelle contrainte de subir des châtiments humiliants, mais à la fin mon droit finissait par triompher. C'était stupide,et en y repensant j'en suis encore émue.
(Parmi les personnages de la Comtesse de Ségur je me suis particulièrement identifiée à Félicie de "Diloy le chemineau" : une méchante, mais qui devient bonne à la fin. Le fait qu'elle soit corrigée par une main masculine contribuait sans doute à l'impression de distanciation)
Ce sentiment d'injustice , c'est aussi ce que j'ai retenu de la seule fessée donnée par mon père et qui a réduit à néant mon complexe d'oedipe. La punition chez nous , c'était d'être enfermée dans notre chambre... de longues heures. Il y avait une vigne vierge qui courait tout le long du mur, une vieille , avec de grosses branches et j'ai vite appris à y descendre et à y remonter sans que personne ne s'en aperçoive. Jusqu'au jour où une branche a cassé et que j'ai atterri devant la porte fenêtre de la bibliothèque... presque sous le nez de mon père. Je n'avais jamais reçu de fessée, mais l'humiliation ressentie a été cuisante. J'ai appris à cette occasion que mon père n'était pas le Dieu bienveillant et imperturbable auquel je croyais. Et qu'il était essentiel de toujours vérifier ses appuis!
Je ne suis pas dans l'éloge, particulièrement. Disons que dans un monde de blogs parfois passionnants, parfois insipides, je crois que les récits fleuris de Christine offrent une vision éducative intéressante. Parfois, peut-être qu'on peut trouver que ça tourne en rond et que les histoires se ressemblent toutes un peu trop dans le déroulé et l'inévitable dénouement. Mais l'écriture me plaît...
Et si j'en parle, c'est bien que... ça me cause un peu. Je n'ai ps choisi l'illustration de Bayard par hasard. "la Thénardier détacha le martinet..."
Agnès , votre analyse des relations mère -fille est impressionante. Bien que vous affirmez n'en avoir pas souffert , ces corrections ont l'air d'avoir drôlement conditionné votre vie d'adulte. L'amour prend décidement bien souvent des chemins détournés...
Pas d'anonymes... Je dois pas le dire assez souvent ? Mais la question vaut la peine d'être posée..
si. j'ai cru pourtant... Navré
la lecture des textes de Christine confirme ce que je pensais : la fessée n'a aucune valeur éducative. Elles étaient si fréquentes, qu'elles ont plutôt eu comme effet de la pousser au mensonge et à la dissimulation. M'enfin , ça lui a donné des souvenirs à raconter. Et elle raconte bien. J'avoue que je suis allée la lire un peu chaque soir avec fascination, un frisson , d'effroi et un soupçon d'horreur...
Ces blogges sont une vraie ruine pour mon organisation domestique!
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