28 février 2010

Manger des tartes en jouant avec les mots...

1525 - "Attends un peu qu'on rentre…" qu'il a chuchoté avec un petit sourire, en se penchant vers elle. Menace conditionnante, préventive, même... Elle sait ce qu'il veut dire…

Un samedi... Salon de thé quasi désert, en plein milieu de l'après-midi. Ils sont en train de déguster des tartelettes choisies avec attention, si appétissantes derrière la vitre du comptoir de cette pâtisserie de la grande rue qu'il leur a été impossible de résister. Et puis il est presque seize heures, c'est à la fois le repas et le goûter. Ils se sont levés tard après avoir fait l'amour tendrement au petit matin une première fois, traînant ensuite au lit avec le petit déjeuner.

Puis un bain dans la grande baignoire où elle babille et lui raconte plein de choses, en se délassant toute nue sous son regard attentif…

Du coup ils ont quitté l'hôtel pour une promenade en amoureux tous les deux dans cette belle région qu'ils écument à chaque fois qu'ils se voient - pour quelques heures ou quelques jours - vers midi seulement...

Elle lui jette un œil vaguement inquiet à la dérobée en se mordant la lèvre inférieure, reprenant la discussion comme si elle n'avait pas entendu, mais avec un clignement nerveux de la paupière qui montre son trouble soudain…

Ce salaud attend que la serveuse revienne avec les cafés pour poursuivre son idée. "Je sens bien que je ne t'ai pas assez fessée hier soir, ma chérie. Cette nuit je vais arranger ça, crois-moi !"

Là, elle pique un fard et le nez vers son assiette. Puis le fusille du regard sitôt que la petite serveuse repart vers le comptoir après avoir déposé une autre tournée de gâteaux et de thé, rouge comme une cerise elle aussi, faisant semblant de ne pas avoir entendu…

"Tes fou ! Tu… Tu crois qu'elle a entendu ?"

Il sourit. "Sans doute. Quelle importance ?"

"Je… Ça me gêne, quand même…" reprend-elle doucement sans le regarder.

"Mais non, tu adores ça. Et puis, ça fait partie du jeu non ?"


Elle se tait.

"Réponds !" le ton est un peu plus impérieux, le sourire figé.

"Je… Oui, sans doute…"
Elle bafouille un peu, manquant de s'étrangler avec sa tartelette à la rhubarbe… Il termine son café en la regardant. Mélange de tendresse et de sévérité joueuse…

Et puis, ils repartent, la main dans la main, assez joyeux. Il n'y aura plus d'alertes. Ce n'est plus nécessaire. Désormais, elle sait, il l'a prévenue.

Ce soir, dans la nuit, à un moment qu'il aura décidé, elle ne sait pas quand, mais ça viendra, c'est certain: elle recevra une bonne fessée. Une vraie correction de mâle à sa femelle, quand la porte se sera refermée sur leurs amours…

Peu lui importe qu'on les entende.

De toute façon, le hasard de la réservation leur a donné une belle chambre un peu à l'écart, au fond du couloir et en bout d'aile, assez loin des autres clients. Il l'a souligné en riant dès leur arrivée, en présence de la réceptionniste, blasée et regardant ailleurs, mais la faisant blêmir un peu plus, à nouveau.

Comme par un fait exprès, ils peuvent faire du "bruit" sans gêner personne.

Ce mot "magistrale" qui lui fait peur mais l'émoustille et la trouble en même temps, il l'a prononcé à deux reprises. La faisant doucement frémir d'aise. Oui, elle a besoin qu'il soit enveloppant, présent, qu'il s'impose et la "domine", même… Elle sourit en évoquant le mot qui dans la vraie vie lui déplait souverainement mais dans ce contexte lui picote le ventre agréablement.

Elle aime qu'il l'entraîne, qu'il l'emmène loin. Un peu au-delà de ses limites, juste sur la tranche, le fil du rasoir… Un peu plus que ce qu'elle attend pour lui couper le souffle. Et elle sait qu'il va le faire.

Ils sont rentrés. La nuit est tombée, avant le dîner. Elle est un peu fatiguée de la balade, s'allonge sur le lit où il la rejoint pour un instant de douceur et de calme, tandis qu'elle se pelotonne contre lui…

…et s'endort presque immédiatement.

Il la regarde dormir, un peu agacé, un peu amusé aussi.

De toute façon, il faudra bien qu'elle se réveille, la belle au bois dormant…

7 commentaires:

Emma a dit…

j'adore cette histoire ,les petites phrases sans équivoque, la gêne,la tension qui monte, un peu la peur....et puis la chute qui montre bien qu'au fond , tout ça n'est qu'un jeu et que la Belle n'a pas du tout peur. Belle page de tendresse et de complicité. Et j'aime votre façon de la raconter.
Emma

Stan/E. a dit…

@ Emma: concentré de souvenirs, un peu romancé, à peine... Une situation qui ressemble fort à ce qui me fait vibrer. Après, que ce que je narre soit vrai ou pas importe peu à mon avis, c'est juste une façon de faire partager ce que j'aime dans ce jeu. mon ressenti et un peu évidemment celui de la dame sans laquelle je ne suis rien...

Complicité par dessus tout. C'est la clé.

Oliver Strict a dit…

J'aime beaucoup. J'ai l'impression qu'il y a maintenant plus de pudeur et de tendresse dans vos récits. J'aime cette délicatesse.

Stan/E. a dit…

"Plus de pudeur et de délicatesse" ? hum, vous me surprenez, OS. Ou alors vous n'avez pas lu depuis le début ?

Am a dit…

"
Elle aime qu'il l'entraîne, qu'il l'emmène loin. Un peu au-delà de ses limites, juste sur la tranche, le fil du rasoir… "

Cette phrase résume avec justesse l'état dans lequel j'aime me retrouver. Quand les choses sont évoquées sans être rabâchées. Et que la simple évocation au cours d'une journée suffit à faire son chemin. Une pointe de poison peut faire des dégâts. Même si ces "dégâts" là sont des troubles hautement voulus, appréciés, savourés.

So a dit…

Je vibre à l'unisson...

Erik A. a dit…

Je relis. Je comprends ça...

C'était il y a... euh, trop longtemps. Mais au moins, c'est arrivé.