30 août 2011

Rentrer, rougir...

  2526 - "Attendre son retour..."

C'est un très joli texte, très évocateur et plein de finesse... 

Un texte de fille, avec un ressenti, une âme. Tiens justement, c'est Am' qui l'envoie, je crois d'abord sur un forum où je ne vais pas, avant de m'autoriser à le publier ici aujourd'hui pour notre plus grand plaisir... 

Le titre pourrait avoir été soufflé par Edgar Poe.


"La lettre..."

"Elle était là, posée en évidence sur son bureau. Bien sûr, j'avais fais cette promesse de ne pas ouvrir ses tiroirs, mais ce joli bout de papier était posé loin des "rangements secrets"...

Comme il me semble facile parfois de s'arranger avec sa conscience. Non ? Si...

La toucher déjà, respirer son odeur, l'ouvrir par un coin, légèrement comme des pétales fragiles.

Un jour, il m'avait demandé si je savais mentir. J'avais répondu dans un rire que je n'avais jamais pu car jamais su masquer mon émoi, flagrant par un rougissement soudain. Il avait souri avec un regard songeur.

La lettre est toujours entre mes doigts. Du papier de première qualité... Ça doit être important. Et puis, pourquoi une lettre ? les mails sont tellement pratiques aujourd'hui. Hésitation malhabile, moue de réflexion, les ailes en guerre avec la queue du diable. Pourquoi être toujours trop sage ? J'en ai envie et la tentation est plus forte que l'idée d'un affrontement. (peut-être évitable ?).

J'ai mis de longues minutes à savourer ce trouble d'être une "petite conne". Il aimait m'appeler ainsi parfois avec tendresse...

J'ai ouvert la lettre. 

Je n'aurais pas dû.

À l'encre noire avec des lignes superbement tracées, il était écrit :

"Je vais rentrer et tu vas rougir..."

 
La lettre avait retrouvé sa place au milieu du bureau. J'avais presque calculé l'emplacement avant de la toucher. J'avais beau me répéter mentalement ce conseil maintes fois entendu "respiiiiiiiire" lorsque le cœur s'emballait lors de mes petites angoisses passagères. Mais celle-ci ne semblait pas vouloir être uniquement de passage. Elle s'invitait, cette garce impolie dans mon confort intérieur en bousculant ma quiétude.
 
"Je vais rentrer et tu vas rougir..." Comment quelques lettres mises bout à bout pouvaient avoir autant d'impact sur moi ?

Je maudissais non pas ma curiosité, mais mon incapacité à faire partie des grands tricheurs. Des masques perfides et sans doute utiles parfois. Alors je me rassurais: "ce n'est pas si grave, elle m'était destinée et puis après tout c'est lui le perfide !"
Pour un peu je retournerais bien la situation. Oui, voilà, arriver et attaquer de suite, de front, mains sur les hanches: "non, mais tu n'as pas honte ?"

Ou peut-être... Être suffisamment occupée pour qu'il ne puisse pas avoir l'opportunité de me toiser ? Ah oui... Je vais faire un dîner surprise. Depuis le temps qu'il souhaitait que j'invite les voisins. Et puis sa mère ? Peut-être même son supérieur hiérarchique, une personnalité, un mendiant, une ivrogne trouvée dans un bar ?

Mais à 18 heures, c'est un peu léger pour faire un festin. Jambon-purée ? Spaghettis bolognaise ? Des tartines de Nutella, un yaourt ?

"Je vais rentrer et tu vas rougir..."

Des idées plus saugrenues les unes que les autres s'amusent à jaillir. Partir, ça serait plus simple. Une petite soirée entre copines ? Un week-end chez des potes ? Une virée en mer ? Changer de pays ? De continent ? Disparaître...

Pleurer ? En rire ? Lui offrir un cadeau ? Lui taper dans le dos d'un air désinvolte: "tu m'as bien eu salaud..."

S'en foutre après tout: "Je m'en fous, je fais ce que je veux !"

"Je vais rentrer et tu vas rougir..."

Se cacher, s'enterrer, pester, gémir. Mais pourquoi je suis dans tous mes états ? Pourquoi cette phrase me claque-t-elle l'âme à ce point ? Pas de méchanceté, je dirais même une petite pointe d'ironie gentille... Bien sûr qu'il m'aime et je suis folle.

Alors, au bout du bout de toutes mes pensées, quand j'ai fait le tour de toutes mes émotions, lorsque la toile a été achevée, la porte s'est ouverte et sur ce tableau joliment peint par ses mots et mes errances.

J'étais debout, dos à cette porte. Silence. J'ai même cru entendre son sourire se dessiner. Je me suis retournée lentement, vaincue face à lui qui savourait déjà sa victoire.

Rouge..."

Texte © Am' - 2011
Peinture: "femme en bleu lisant une lettre" © Vermeer

22 commentaires:

Anonyme a dit…

Ici ou ailleurs, ce texte me laisse toujours la même émotion quand je le lis. Merci Am'.

Stan/E. a dit…

Comme je ne lis pas "ailleurs", je ne me rends pas compte. J'ai juste un peu remis en forme et viré deux ou trois coquilles et il me fallait juste trouver une image évocatrice.

J'ai pensé au Vermeer qui me semblait coller au sujet, ne voulant pas une photo plus évocatrice, puisque le texte laisse lui aussi voguer l'imaginaire du lecteur...

C'est sûr, j'aime beaucoup le texte d'Am', Tout autant que j'apprécie la dame. Et cette sensibilité dans l'écriture ne m'étonne pas d'elle le moins du monde, du coup... Merci à elle de m'avoir permis de le passer ici où il sera plus lu puisque l'accès est "libre".

Emma a dit…

Superbe texte Am', je tremble avec toi, mon coeur bat trop fort.:)

mahogany a dit…

tres beau... tres troublant...

Am' a dit…

Merci de vos commentaires. Ravie de susciter un peu de trouble avec les miens.

Ula Oups a dit…

J'ignore si Am suit toujours votre blog, mais j'adore sa lettre. Suggestive et délicate, un de mes textes préférés.

Stan/E. a dit…

Plus de nouvelle d'Am", mais les dernières données voici plusieurs mois étaient bonnes... Croisons les doigts ! C'était effectivement une très très joli texte, avec du sens.

Quand à la voix de la dame...

Ula Oups a dit…

Excellent ! Mais putain, elle a vraiment l'air dégueulasse la glace !!!

Stan/E. a dit…

C'est sûr, une glace américaine, pas un sorbet Berthillon.

Stan/E. a dit…

Me suffit de relire ce texte déjà ancien pour avoir envie de vous faire rougir...

Stan/E. a dit…

Ah mais ça me fait soudain penser que je vous ai vue rougir... On ne dira jamais assez la force du fantasme et du cérébral dans nos existences érotiques. Sans celà, on frise la gymnastique corporelle, qui pourrait presque en devenir ennuyeuses, sans les mots, les envies et les troubles...

Am' a dit…

tiens donc....je n'avais pas lu depuis un bail ce texte et j'y découvre vos petits mots...
ça fait bien longtemps que je n'ai pas eu le feu aux joues cher Stan.

Am' a dit…

Vous m'avez vu rougir?
Il faudra me rafraîchir la mémoire!

Stan/E. a dit…

Ah mais si j'en crois ce que je viens de lire à l'instant, ça ne devrait plus tarder, chère Am'...

Stan/E. a dit…

Si je vous rafraichis la mémoire... ça réchauffera l'ambiance. Mais je vous assure que la caméra rendait très bien les nuances. C'était il y a euh? un moment.

Kamalika a dit…

Très joli texte...Ses passages de réflexion quant à l'attitude qu'elle va adopter à la suite de sa lecture et du retour de Monsieur est vraiment bien...Merci !

Stan/E. a dit…

La dame est douée... Je sais qu'elle ferait des jolies choses, si elle prenait le temps de s'y mettre enfin.

C'est une amie et je l'encourage dans ce sens depuis un bon moment... Une vraie bonne fessée pourrait aider, mais elle y prendrait plaisir ! Et puis comme ce n'est pas moi qui lui donnerait, du coup je préfère la savoir en train de bosser sur un roman.

Ou un scénario de BD, par exemple. Elle doit bien connaitre un dessinateur doué dans ses relations ?

Ogreline a dit…

Très joli texte...bravo

Am' a dit…

Ah?...je ne fais aucun pronostic, vous le savez bien....

Am' a dit…

Je ne sais pas si j'ai du talent...mais un poil dans la main, ça c'est certain!

Détrompez vous...je n'ai jamais connu le régime "fessées" régulièrement donc on crâne un peu lorsqu'elle se font rares.

Je connais effectivement une bonne relation dans le domaine de la BD...mais le peu d'énergie qu'il me reste me sert pour le quotidien. Je devrais me refaire une santé! alimentation, sommeil, sport....il me faut un coach! :)

Céline a dit…

La couleur des émotions aurait également été un joli titre. C'est vrai que tu as une très jolie plume Am'. Ca me rappelle des souvenirs de le relire...

Am' a dit…

Thank you girls!
Le pouvoir de l'imagination...c'est ce que l'on a quand on a pas le reste.;)