2555 - "Intellectuellement au moins, était-elle nue, déjà ?"
Elle m'attendait, dans un café choisi non loin de l'endroit où je devais gérer une matinée professionnelle importante, dans cette petite ville grise sans intérêt de l'Est de la France. Je me suis souvent demandé à quoi elle pouvait bien penser, pendant que penché sur les rotatives je regardais sortir les feuilles imprimées d'un livre à venir...
Arrivée sur place trois heures avant le rendez-vous "fatal", un déjeuner en duo dont ils espéraient sans doute beaucoup, elle a largement le temps de songer à la suite, vivant à plusieurs reprises cette rencontre hasardeuse, l'imaginant, la repensant, la fantasmant virtuellement.
Au point de remonter dans sa voiture et de fuir cet enfer délicieux qu'elle attend pourtant de ses vœux ? Non,...
Voilà quelques semaines qu'on se cherche, sans s'être vus. L'écrit, le trouble des mots, bien sûr, la caméra pour se rassurer et s'apercevoir qu'on se plait un peu, sans que rien ne remplace le réel. La voix aussi, troublante sans l'image dans des conversations qui n'en finissent pas. Voix qu'il aime, autant qu'elle apprécie la sienne, ce qui est déjà un (bon) début.
Je me souviens d'une jolie demoiselle de ma vie de jadis, belle plante très fantasmante qui a fait fuir toutes mes envies aussitôt qu'en levrette: avec un accent canadien à couper au couteau, la belle québecoise cru judicieux de me souffler avec une rusticité de bûcheron des Laurentides:
"Calice de grosse graine ! Besogne-moi donc la plotte ! Et aboutis !"
Retour à l'Est.
Elle a téléphoné plusieurs fois. La première pour dire qu'elle est arrivée, qu'elle m'attend, que je peux prendre mon temps et terminer tranquillement mon travail sans arrières-pensées. Et encore deux fois ensuite, la dernière pour me signaler qu'elle change d'endroit, quittant le café de la matinée pour un restaurant lui semblant apte à accueillir notre première rencontre... Avouant qu'elle balise à mort un peu au fur et à mesure que le moment approche, inexorablement.
Je ne la rassure pas. Ça fait partie du jeu.
4 commentaires:
"Je ne la rassure pas. Ça fait partie du jeu."
Ah, ben j'sais pas pourquoi, mais là tout d'un coup, j'vous trouve déjà beaucoup moins moche...
Quoique... "rendez-vous FATAL", brrr, c'est pas un loup mais la bête du Gévaudan ! Elle est toujours en vie ???
Euhhh, c'est pas parce que je dis que j'aime que vous ne la rassuriez pas, parce qu'en effet, ça fait partie du jeu, qu'il ne faut pas nous rassurer quant au devenir de la dame après son rendez-vous FATAL avec vous, hein !
Sur ce, bon appétit, cher loup...
Je crois (j'espère) qu'Elle va bien. Si elle me lit toujours, je l'embrasse. Tendrement. Je suis un loup très policé. Et "fatal" était surtout pour qualifier le côté inéluctable...
De toute façon, ce jour là, l'aurais-je voulu que je ne pouvais pas la rassurer. Parce qu'au final j'étais bien aussi fébrile qu'elle, à vrai dire et il m'a fallu plusieurs minutes avant de me sentir bien, qu'on se regarde "facilement" les yeux dans les yeux avec le sourire adéquat, bref, de dépasser la "barrière internet", vecteur de rencontre parfois péjorative, pour entrer de plein pied dans l'histoire, dépassant le virtuel une fois pour toutes.
Vous voyez que c'est possible...
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