2607 - "Le cœur qui bat un peu plus vite..."
Attente sur un quai de gare, à 250 kilomètres de chez lui en ce mois de février humide. No man's land souhaitable pour un rendez-vous qualifié par l'un et l'autre de "neutre"...
Il est arrivé en avance et plutôt que de rester dans sa voiture, a préféré arpenter cette gare froide et maussade... Frigorifié, il s'est approché d'un des radiateurs à infra-rouges érigés dans le hall à intervalles réguliers, colonnes chauffantes placées là comme autant d'îlots autour desquels s’agglutinent voyageurs et gens arrivés comme lui en avance venus chercher une femme, un ami, un collègue...
Il ne peut pas être plus près du long cylindre grillagé pour se réchauffer les membres, sentant enfin une chaleur bienfaisante le parcourir. Plus envie de bouger ni de s'éloigner de cette lumière rouge irradiante qui dégèle ses neurones... Histoire de prendre conscience de la situation.
Il n'a jamais vu celle qui doit arriver dans quelques minutes, rompant avec l'anonymat du net pour vivre "un truc" qui les fait vibrer de désir virtuel depuis des semaines et qu'ils veulent à présent partager en vrai, passant de l'autre côté du miroir. Rendez-vous a été pris et c'est ce soir... Comme c'est lui qui décide, il a retenu pour la nuit une chambre dans un endroit calme et isolé en dehors de la ville. Idéal pour une première fois.
Petite appréhension au moment où le TGV arrive. Regarder chaque passagère qui descend du train, examiner les attitudes de toutes les voyageuses comme autant de candidates potentielles: cette brunette au sourire enjoué portant un sac, cette autre à la mine boudeuse traînant sa valise à roulettes comme un impensable fardeau, celle-ci, très blonde, qui lui sourit mais le dépasse au moment où son cœur va s'arrêter de battre.
- "Putain c'est elle, c'est ell...?"
- "Putain, c'est pas elle !"
Toutes, il les dévisage toutes...
Celle qu'il croit avoir identifiée comme la demoiselle attendue et vers qui il s'avance avant qu'elle ne tombe dans les bras d'un garçon qu'elle embrasse à pleine bouche à quelques mètres de lui, changé en statue de sel, un peu imbécile. Au milieu du flot des voyageurs chargés qui envahit à présent le quai et le bouscule, il se surprend à envisager chaque silhouette féminine qui pourrait être celle qu'il attend, hésitant entre sourires et grimaces, cherchant à happer un regard, un signe.
Merde, il aurait dû exiger qu'elle porte sur elle un truc distinctif, une fleur, une écharpe, une couleur particulière précise, que sais-je ?
Il se tourne. Elle est là. Jean, écharpe, veste ample, gros pull à col roulé, petit sac à dos et une casquette pour planquer ses longs cheveux bruns qui tentent pourtant de s'échapper par mèches folles. Regard un peu gêné, sourire timide...
- "Bonsoir, c'est moi..."
Évidemment ! Qui d'autre ? Il avait dit: "surtout pas de dress code", elle l'a entendu.
Trois heures qu'elle se demande pourquoi elle fait ça. Pour elle. Évidemment. Quitter les siens en faisant comme si de rien n'était, sortir de son cocon comme si elle allait acheter le pain pour vivre une histoire inracontable, impossible désir qu'elle voudrait pourtant partager.
Prendre le train pour rouler vers une nuit folle avec un inconnu dont les désirs, sur le papier, sont tellement à l'aune des siens, cette fois. Putain de jardin secret. Un gars qui sait la faire vibrer et dont les mots, les envies excitent ses sens comme personne avant lui n'a jamais su le faire. Il va lui donner une bonne fessée. Et plus si affinités...
Pourvu que...
Ils s'embrassent naturellement comme si ils se connaissaient depuis toujours. Il parle de tout, de rien, occupant le terrain. Elle le suit sur le parvis, jusqu'à sa voiture dans laquelle elle monte. C'est seulement une fois la porte refermée qu'elle sent qu'elle est à sa merci et que la soirée commence à peine...
(à suivre, peut-être...)
9 commentaires:
Mmmm, j'adore l'atmosphère que vous parvenez à rendre. Le froid du quai de gare m'envahit, la pression monte... L'imprudente...
Rho Stan...
Ca sent le vécu ça...
Un concentré imaginaire, avec quelques bases... On a tous vécu des choses, le tout c'est de les raconter, les faire partager. Ou pas.
Alors après, c'est "la fille du restaurant", suivi de "la fille de la chambre 12"...
Tant que la suite ce n'est pas "la fille qui s'appelait Robert", ça vous va, non?
(désolée, je suis un peu fatiguée en ce moment)
Pour une fois que c'est lui qui prend le contrôle, on peut bien lui laisser ça....
Tss... Line, vous vous moquez. Je suis certain qu'il peut prendre son pouvoir et châtier l'insolente qui tente de lui résister une seconde fois.
Croyez-vous? Je pense qu'elle le teste pour voir de quoi il est capable. Le laissera-t-elle franchir la barrière de l'incontrôlable une seconde fois ? Rien n'est moins sûr. Ou alors par surprise...
C'est bien aussi, "par surprise"... Mais si les motivations sont là, la suite devrait arriver sans forcer le trait.
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