25 juillet 2012

Plaisirs de Kat...

   2774 - "À coeur ouvert..."

"J’avais remis entre ses mains mon corps-offrande qui lui criait d’assouvir sa soif: fais de moi l’écho de tes désirs, écris sur mon corps, caresse ou blesse ma peau, qu’importe, je suis un livre vierge, noircis-le." (Katsuni à Rocco Siffredi, pendant un tournage X)

Lasse d'expliquer l'inexplicable à qui ne veut de toute façon pas comprendre, mon amie Kat qui écrit pour la Musardine dans les "Osez 20..." et bientôt également pour une autre collection a rédigé une petite nouvelle, pour faire définitivement la nique aux idées reçues.

Oui, elle avait 18 ans et lui vingt de plus, mais pour autant, elle ne s'est pas retrouvée malheureuse jeune fille perdue sous une main d'homme pervers sans en avoir envie. Ni l'avoir décidé, pleinement. Ni influencée de façon pernicieuse, ni contrainte, ni forcée. Et quoi que certains en pensent, respectée...

Tout ce qui suit est extrait de chez elle... Bonne lecture.

"Grâce à twitter, j’ai découvert sur le blog de Katsuni cet excellent article sur la douleur et le plaisir. Lisez-le, c’est un des articles qui parlent le mieux de ce sujet, tellement incompréhensible pour ceux qui ne l’ont jamais vécu.

C’est d’ailleurs parce que j’en avais marre qu’on me pose tout le temps la question: "Mais comment as-tu pu supporter ça ?" que j’ai écrit la nouvelle qui suit. Bon, c’est un autre texte ("la manifestation") qui a été retenu pour le recueil "Osez 20 histoires de SM"... Mais j’aime beaucoup cette nouvelle retoquée. J’ai donc ainsi trouvé l’occasion de la partager avec vous. Dites-moi ce que vous en pensez, surtout !

L’interview révélatrice

"Parlez-nous de vos expériences coquines et de vos goûts. Répondez à nos questions, sans tabou..."

Même si cela m’a paru amusant de répondre à cette invitation publiée sur un forum, je sens tout de suite que le courant ne passera pas entre moi et la "journaliste" qui s’assied en face de moi dans ce café parisien où nous nous sommes donné rendez-vous. 

Elle me dit s’appeler Mélissa - mais que je peux l’appeler Mel - et semble très préoccupée par une mèche de cheveux artistiquement placée pour qu’elle lui retombe dans les yeux. Elle fait la bise au serveur qui me détaille des pieds à la tête avant de prendre ma commande. Je n’aime pas ces endroits trop tendances où la musique est trop forte et la lumière artificielle.

Dans mon mail de réponse, je lui avais dit aimer les jeux de soumission-domination. Je ne dois pas avoir le look de la maîtresse SM, car dès que ses yeux remplis de pitié et de commisération se sont posés sur moi, j’ai compris que l’entretien allait tourner autour d’une seule interrogation: 

"Mais comment a-t-elle pu accepter ça ?"

Elle sort un crayon et un bloc puis me propose de répondre à quatre questions, préparées à l’avance. Elle m’avoue ne pas procéder comme ça d’habitude, mais elle remplace sa collègue de la rubrique "sexo". Son truc à elle, c’est la mode !

D’accord… Une fashion victim interviewe une soumise. Ça risque d’être drôle.

1 - Comment peut-on appartenir à un homme ?

Comment pourrais-je vous expliquer pour quelles raisons je lui ai appartenu ? Ça ne s’explique pas. Ni sur un divan, ni dans un café. Vous pouvez me dire que j’étais jeune, qu’il a profité de moi, qu’il en a abusé même. Je n’ai pas besoin d’excuse. J’ai ravalé puis vomi la honte qu’on a voulu que je ressente. Est-il socialement plus correct pour une jeune femme de se dire "aveuglément amoureuse" pour justifier du fait que son amant la corrige... et qu’elle aime ça ?

J’aimais sentir son regard peser sur le mien. L’agacement, puis la colère qui dessinent un orage sur son visage, la lueur qui s’allume dans ses yeux… Tous ces signes aussi incontournables pour nous qu’indéchiffrables pour les autres.

J’aimais aussi me rendre insupportable, le titiller à la limite du raisonnable, minauder, faire la fière, le snober. Il restait stoïque jusqu’à ce que je comprenne que cette fois, j’étais  allée trop loin. Un sourire froid me coupait dans mes gamineries. Nous plongions alors dans un silence qu’il entretenait, savourant la tension qui montait dans la voiture tandis que des paysages de plus en plus denses s’étalaient devant nous. 

Il arrêtait le moteur, le plus souvent sans savoir où il nous emmenait.  

Tout ce temps, j’ai eu en lui une confiance totale. Jamais je n’ai envisagé qu’une mésaventure autre que celle de me retrouver fesses nues et bouillantes sous ses mains, pouvait arriver. Je crois n’avoir même jamais songé qu’on pouvait nous surprendre. 

Même à portée de voix des passants près du lac du Bois de Vincennes, si je n’ai pas voulu crier, c’était pour lui montrer qu’il ne m’impressionnait pas.

Premier tête à tête, il y a des siècles, en forêt déjà. Je parle, je papote, je babille, impressionnée  par cet homme, non par son âge, mais par le fait qu’il est là alors que  j’en suis certaine, il a sûrement bien d'autres choses à faire. Mais non, il reste là, il m’écoute, mieux encore, il me fait parler…. Je pourrais vous dire, qu’il avait les yeux verts, tout comme en cherchant bien, encore aujourd’hui, je pourrais lui trouver un petit quelque chose de Brad Pitt… 

Mais j’ai surtout entendu sa voix après la mienne.

La morale est sauve: j’ai connu la chaleur de ses bras avant de goûter à ses mains. Mais il ne m’a embrassée qu’à la fin d’un trio mémorable, le premier, dont je garde des images d’une sensualité que le temps a sans doute idéalisée.

Des corrections reçues au coin d’un bois, des trios… L’image de la jeune fille abusée vacille. Tant mieux, elle me correspond si peu. La journaliste évite mon regard, visiblement mal à l’aise. Elle tourne consciencieusement sa cuillère dans son café. Je poursuis:

Quand j’ai envie de lui, je me vois culotte aux chevilles sur ses genoux. Je n’imagine pas "faire l’amour" avec lui autrement qu’en lui offrant mon cul couvert de marques. Ce n’est pas son mode de fonctionnement... mais le nôtre ! 

Avec lui, je baisse les yeux, mais pas la tête. Le sourire en coin demeure, et quand je croise son regard, même nue à quatre pattes, même offerte, j’y lis une connivence au-delà du désir.

S’il vous prenait l’envie de me juger, vous qui me prenez pour un monstre de perversion et qui me regardez en oubliant que vous baisez dans la même position chaque samedi soir depuis quinze ans, demandez-vous avant: comment réagit-il quand vous lui dites "non..." ?

En toute sérénité, je vous réponds qu’il me sourit.

2 - Comment avez-vous supporté de n’être que sa maitresse, si vous l’aimiez ?

J’ai "supporté" de ne pas être la seule femme de sa vie, dites-vous ? Pensez-vous qu’il était le seul homme de la mienne ? 

Je tire aujourd’hui encore une grande fierté de savoir que - même en le partageant - je suis unique à ses yeux. Voyez-y toute la vanité du monde ou un stratagème pour me rassurer, si ça vous amuse. Les chemins que nous avons pris ensemble, il ne les a sillonnés qu’avec moi. Je ne suis qu’une aventure dans sa vie, je le revendique. En aucun cas, je ne veux  partager son quotidien plus de deux jours. Je ne veux pas des mesquineries de la vie ordinaire avec lui. Une fessée devant une feuille d’impôts tient du blasphème. Je cultive mon statut de maîtresse, il me protège de celui d’épouse.

Le mot "avilissant" passe sur les lèvres de Mélissa tandis qu’elle griffonne quelques notes. Faible parade à une gêne quasi tangible. Elle m’énerve ! Impression de parler à un stéréotype qui voudrait me faire rentrer dans des cases. Je continue, largement ironique: 

Avilie, salie, dégradée, quand ce n’est pas en plus, à mon insu, mais que ne m’a-t-il pas fait ! Pire encore, j’en redemande ! Ce que vous nommez "saleté" se nettoie à l’eau et au savon. 

Dégradée ? Aux yeux de qui ? Si c’est aux vôtres, alors il n’est pas encore allé assez loin, puisque vous me regardez encore. À mes yeux, il ne m’a dégradée que lorsqu’il m’a oubliée. En sa compagnie, j’étais fière, et je le suis plus encore aujourd’hui, mesurant le chemin parcouru.

Avilir ? "Rendre méprisable, déshonorer ?" Quelques claques sur les fesses ne m’ont jamais rendue méprisable, encore moins déshonorée. Par contre, elles m’ont rendue plus forte, ne serait-ce que parce que - pendant que je vous parle - je peux vous imaginer à ma place... et en rire.

Peut-être ressentez-vous le besoin certains soirs, d’un verre d’alcool fort ou d’une cigarette, ou peut-être prenez-vous le comprimé miracle qui vous fera dormir d’un sommeil sans rêve. 

Moi, j’ai choisi la sexualité, le cul, l’orgasme pour décompresser. Il m’est arrivé, il m’arrivera encore, de passer la porte d’un club échangiste comme une droguée en manque. J’en ressors la tête à l’envers, courbaturée et un peu saoule de toutes ses mains qui m’ont palpée, griffée, bref dépouillée, permis de déconnecter deux heures au moins du monde réel.

Je n’ai pas oublié la première fois où on m’a ouvert la porte. L’œil dubitatif du patron, devant ma tenue: jeans, sous-pull, baskets… "Vous savez où vous rentrez ?"  

Oui. 

En plein après-midi, il n’y avait que des hommes au bar, plus proches de la cinquantaine que de la vingtaine, pas très beaux, même sous un éclairage indirect. Ça ne m’a pas fait fuir. 

Un homme m’a adressé la parole. Je lui ai juste dit que c’était la première fois que je venais, puis nous sommes descendus sur la piste de danse, entourée de lits et de banquettes. Je me faisais l’effet d’être un pot de miel. Le peu d’habitués présents se collaient à moi et m’entraînaient comme une cohue dans le métro vers un matelas disponible.

J’ai le souvenir d’avoir été assise, le sexe offert. Un homme dont je n’ai même pas vu le visage a enfoui sa tête entre mes cuisses et m’a amenée à la jouissance avec sa langue. 

Pendant ce temps, des mains faisaient durcir mes seins, des bouches les mordaient. Au moment de jouir, je me souviens très bien du gérant venu me murmurer "ne fais que ce dont tu as envie, ici." 

C’est cette phrase qui m’a permis de lâcher prise et de m’abandonner au plaisir.

J’y suis retournée par la suite, seule ou accompagnée. Récemment, avec un ami qui partage mes envies plurielles: il voulait me voir prise par un autre homme, je voulais sentir d’autres sexes que le sien. Mon seul regret est qu’il ait joué le jeu d’une histoire sans parole: l’homme est entré, a attendu un signe d’approbation, puis m’a ouverte et s’est fondu en moi. J’aurais voulu qu’il m’offre. 

Il m’a manqué cette pointe d’humiliation qui précède l’abandon. Entendre "mais je vous en prie, elle ne vous dira pas non !" aurait par exemple agréablement pimenté mon délire. De même que sentir des mains connues présenter mes recoins les plus intimes à une queue inconnue, n’aurait sans doute que renforcé mon orgasme.

3 - Vous aimez rester passive et obéir ?

Et vous ? Aimez-vous rester sur le dos, cuisses écartées à regarder le plafond ?

Elle est choquée, cligne des yeux, le rouge lui monte aux joues, tandis que je surmonte mon agacement en demandant un verre d’eau. Avec le ton sentencieux d’une maîtresse d’école, j’explique:


Dans certains jeux, j’aime qu’on ne me demande pas mon avis. J’adore la sensation d’abandon que procure le fait de se laisser guider. Un vrai don de soi. Il n’est pas question d’obéissance aveugle mais plutôt de théâtre. Je rentre dans un personnage. Je fais ce qu’on me dit, non pour faire plaisir à l’autre, mais pour qu’il m’amène où il veut nous amener.

J’ai toute ma tête et tout mon libre arbitre quand j’attends, nue, attachée les mains dans le dos qu’il me prenne. Le plaisir qui irradie mon ventre n’est pas feint et c’est bien moi qui lui donne le rythme de mon plaisir quand je m’agite sur son membre.

Ses yeux brillent. Se pourrait-il qu’elle entende enfin ce que je lui dis ?

4 - Vous considérez-vous comme une femme soumise ?

Cette question-là, il fallait que vous la posiez. Je suis curieuse de voir avec quels autres monstres de foire je vais me retrouver dans votre article.

Je ne me considère ni comme une soumise, ni comme une perverse mais plutôt comme une jouisseuse. Mon terme préféré - s’il n’était si galvaudé - est celui de salope, mais je sens que vous ne voudrez pas comprendre…

Je n’aime pas spécialement avoir mal. Je ne demande pas à mon amant de me frapper pour le plaisir de me laisser envoyer à l’hôpital. Pour ça, un bourrin de base porté sur la bouteille suffirait, en plus je n’aurais même pas à demander. 

Oui, je suis souvent rentrée à la maison avec des bleus sur les fesses. Le souvenir de la douleur existe mais fait partie de l’histoire.

J’aime être spectatrice d’un plaisir trouble que je n’aurai pas connu si j’avais refusé ses règles. Être attachée, exhibée, marquée, parfois offerte, traitée comme un jouet, passer de main en main, de queue en queue ou de bouche en bouche, j’aime tout cela mais dans la vie courante, ce n’est pas moi. Abandonner la maîtrise du jeu, la donner à l’autre, me permet de me concentrer sur moi, de repousser mes limites, mes "possibles". J’ai connu des plaisirs inattendus, des orgasmes inavouables pour avoir osé m’aventurer au-delà de ce que vous jugez acceptable.

Je l’avoue, j’aime être l’objet de belles images. Une scène érotique ou pornographique n’a de sens que si elle me donne envie de la regarder et donc, qu’elle me fascine. J’aime être au cœur de scènes hors-normes, dans des lieux atypiques, pourquoi pas avec des inconnus. Je me sens belle quand je jouis et si le rouge sur mes fesses attire l’œil d’un spectateur, si cela l’intrigue ou le fait bander, je n’en prends que plus mon pied.

J’arrête de parler. Quelques secondes passent, pendant lesquelles elle semble absente, puis elle sort de sa torpeur en bafouillant. Elle me remercie, rassemble ses papiers, les fait tomber en se levant, visiblement troublée. Apparemment, j’ai touché un point sensible..." 
(la suite)

 
Texte © Miss Kat - 2012

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