11 juillet 2007

Je veux des marques...

298 - Elle sait que je m’en vais… Et elle m'observe en silence, elle si bavarde.

Marie-B.
n'aime pas les adieux. Un dernier regard sur le quai ou devant la gare, nos mains jointes qui se détachent et chacun qui poursuit sa route de son côté sans jamais se retourner. Un quasi rituel, admis, répété à chaque fois.

Depuis près d'une heure et de minutes en minutes, nous devenons plus tendus à mesure que s'approche l'instant de mon départ.

Les jours passent vite quand on vit une liaison parallèle. Un peu de temps volé au temps, sans justification particulière. La passion emporte tout depuis que nous nous connaissons.

Mais la tristesse n’est pas de mise lorsque nous sommes ensemble. Plus tard, une fois seul(s), le vague à l’âme l’emportera sans doute. L’autre s'en doute peut-être mais n’en saura rien, ce n’est pas dans notre "contrat tacite" implicitement accepté sans en avoir jamais parlé, plus par pudeur que pour évoquer les choses qui fâchent…

Elle me regarde en coin.

Nous avons eu six jours durant des moments intenses et nos corps sont repus, ayant extirpés semble-t-il les ultimes parcelles d’érotisme qui pouvaient encore subsister en nous. Pourtant…

"Donne-moi une fessée. Une qui marque ma peau, une très forte, une comme jamais tu ne m’en as donnée… S’il te plait !"

D’habitude, il ne faut pas me le dire deux fois. Mais là, une heure avant de prendre mon train et ce foutu taxi qui sera là dans un quart d’heure… Je la regarde sans bouger. Un peu interloqué. Tenté, évidemment. Mais...

Je n’aime pas être pressé par le temps, ni cantonner mes plaisirs entre deux portes, avec un sablier qui égrène les minutes comme une "épée de Damoclès". J’aime prendre mon temps, savourer chaque seconde, les vivre pleinement pour me les repasser plus tard, dans mon petit cinéma mental personnel.

Marie-B. le sait et fonctionne exactement comme moi dans ce domaine. Mais Marie-B. est AUSSI une personne qui sait ce qu’elle veut et l’obtient souvent…

"Je veux des marques. Ce soir, cette nuit, je veux me souvenir physiquement que tu es passé par là !", dit-elle en me montrant ses fesses et son ventre d’un index impérieux, les yeux rivés dans les miens. "... En moi, sur moi ! Et qu’il en reste quelque chose de palpable. De chaud. De gaufré ! Maintenant, je ne vais pas te supplier à genoux, hein ! Si tu ne veux pas, je n’en ferai pas une maladie non plus…"

... Son sourire "même pas cap !" est provocant, avec une indéfinissable lueur à la fois espiègle et profonde… Ne pas la décevoir. Pourtant des fessées, Marie-B. en a reçu plusieurs dans nos jeux ces jours-ci. Une part intégrante de notre sensualité commune que ce jeu qui nous appartient et nous fait vibrer.

Les rougeurs et les marques qu’elle me réclame vont au-delà du jeu cette fois… Je l’embrasse. Mais elle se dégage. Presque agacée.

"J'ai pas dit un câlin ! Fesse-moi. Maintenant. Ou alors pars tout de suite !"

Je deviens mâle et l’empoigne, la courbe, dénudant son cul sans prononcer un mot, les dents serrées. Des marques, hein ?

Dans le taxi qui démarre, la main me brûle encore. Un regard par la vitre. Là-haut, au cinquième étage, il y a une belle jeune femme au regard triste qui m’observe furtivement quelques secondes avant de laisser retomber le rideau pour ne pas voir la voiture tourner le coin de la rue et m’emporter loin, jusqu’à la prochaine parenthèse que nous pourrons nous accorder.

Je sais qu’elle n’a pas remonté sa culotte.

Cette nuit, demain, quelques jours encore avant qu’elles ne s’estompent, les empreintes de ma main gauche resteront gravées sur sa chair délicate, si douce, si chaude et pelucheuse à présent…

Cramoisies !

Moi, faut pas me chauffer…
Photos: Red Charls, China Hamilton

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonsoir Stan

Ce texte m'a particulièrement touché. Combien de fois ai-je voulu garder traces de lui sur mon corps : ses marques, son odeur, la sensation d'avoir ses bras qui m'enserrent.
Un peu de lui pour quelques secondes, quelques minutes, quelques heures de plus.
Et voilà déjà le temps des souvenirs, jusqu'à la prochaine fois.
Merci Stan !

Erik A. a dit…

Hello Alex...

C'est un ressenti, un vécu réel, quelque chose que j'ai encore en mémoire. Ce côté fusionnel et intense de deux amants qui savent que la vie ne leur donne pas trop le temps de vivre leur passion. La fessée n'est qu'anecdotique, même si elle faisait partie de nos jeux et de nos plaisirs. Et si Marie-B. en reçut pas mal...

Mais c'est plus une réelle histoire d'amour à deux que quelques instants de libido partagée.

Anonyme a dit…

C'est "aussi" comme cela que les choses doivent se passer. Dire entre les dents une envie, comme vous l'écrivez si bien, et prolonger le temps en quelques minutes, pour l'après.

Erik A. a dit…

J'ai vécu ces instants dont je parle. Bien au-delà du fantasme, je connais le goût du corps à corps, l'odeur de ses cheveux et le grain de sa peau...ça aide à forger l'authenticité que vous y avez décélée...

Anonyme a dit…

joli texte qui retransmet bien ces désirs "déraisonnés" qui nous possèdent parfois!

Erik A. a dit…

"Déraisonnés", heureusement... Car où serait le plaisir sinon, de ne faire et de vivre que des choses "raisonnables" ?

Bienvenue, Tessa.

Anonyme a dit…

Sans aucun doute le récit que j'ai lu de vous le plus 'sensible'.
On y ressent la passion, le tragique aussi....

Erik A. a dit…

"Tragique" est peut-être un bien grand mot. La tension, la tristesse et la peine de devoir cesser nos étreintes, nos jeux et le désir d'être ensemble, oui...

Ou encore "émotion", dans les deux sens du terme, autant positif que négatif. Un peu de sémantique ne nuit pas.