08 janvier 2008

Jeune et jolie...

476 - On en a beaucoup parlé cette semaine.

Non, je ne vous referai pas en long et en large l'historique de cette photo de Simone de Beauvoir nue, prise par Arthur Shay en 1952 à Chicago et parue cette semaine en Une du Nouvel Obs...

On trouve partout sur le Net (comme chez Mélie) l'anecdote que je vous resitue quand même briévement... L'histoire avait été narrée par Shay dans un de ses livres :

"Mon appartement à l'époque sur Wabansia Avenue était très modeste et n’avait pas de salle de bains, seulement un évier. (...)

J’ai demandé à une amie de me prêter son appartement et j'y ai amené Simone en voiture. Pour une raison quelconque, elle a laissé ouverte la porte de la salle de bains. J’attendais dans la pièce à côté.

En tant que photographe, je n’ai pas pu résister à la tentation de prendre quelques clichés. Elle a souri quand elle a entendu le déclic du Leica et a continué d’arranger ses cheveux..."

Sacrée Simone ! Ce qui me donne envie d'en parler, c'est qu'au fond, ma mémoire (sélective) figeait l'auteur du "deuxième sexe" une fois pour toute comme une vieille femme écrivain un peu austère, avec un turban dans les cheveux passant ses journées au Café de Flore à disserter sur le féminisme. Forcément réducteur... Physiquement je l'assimilais à l'autre Simone, (Signoret) seconde grand-mère médiatique sans âge quand je la découvre, avant de savoir qu'elle fut AUSSI "Casque d'or"...

"Castor" ("Beaver" en anglais, proche de... Beauvoir), comme l'appelait Sartre qui avait de l'humour , c'était une sacrée nana. Qui eut un jour 20 ans. (Et de jolies fesses... même si en l'occurence, là, elle a 44 ans !)

Un peu comme pour la Comtesse de Ségur (on se rapproche de la fessée, là...), dont le portraitiste Nadar figea l'image pour la postérité à la fin de sa vie sous les traits austères d'une vieille femme acariâtre au visage ridé en partie dissimulé sous un bonnet de dentelles, alors qu'elle fut aussi bien des années plus tôt une jeune et jolie immigrée Russe...

C'est bien de s'en rappeler aussi.

Sur le "bloc-note du désordre", ici, on trouvera une très intéressante explication de texte sur les retouches faites sur le cliché original de 1952, habilement et subtilement trituré pour lui donner un coup de jeune et entrer dans les critères des années 2000...

C'est très con comme principe. Mais c'est comme ça. Après tout, retoucher, il m'arrive régulièrement de le faire avec les images que je poste ici. Lisez plutôt, ça vaut le jus:

"Donc en supposant que le maquettiste du Nouvel Obs ait, à peu de choses près, les mêmes méthodes de travail que les miennes, la séquence suivante d’opérations a été produite à partir de l’image orginale d’Art Shay.

- 1. Recadrage — cela paraît peu de choses mais cela permet de faire disparaître le siège des toilettes sur la droite sur lequel sont notamment posés, c’est une supposition, les vêtements de Simone de Beauvoir, de même que de montrer un peu moins du carrelage lépreux de la salle de bain.

- 2. Eclaircissement général de l’image et légère augmentation du contraste — ce qui permet étonnamment de donner à cette salle de bain des airs nettement plus fastueux que ceux de la salle de bain de Nelson Algren — qui habitait alors dans Wicker Park, une rue de ce quartier porte désormais son nom, et qui était un quartier assez misérable de Chicago jusqu’au début des années 90 — à l’éclairage blafard — à ce sujet l’image orginale d’Art Shay avant retouches numériques est percluse d’un grain épais et d’un contraste local fort qui sont les effets naturels de la sous-exposition dans des conditions lumineuses déplorables.

- 3. éclaircissements à l’aide de pastilles du mur du fond — là aussi pour donner une mise plus luxueuse à cette salle de bain typique des appartements de Wicker Park. Il se trouve, hasard fortuit, que j’ai repeint quelques une de ces salles de bain dans mon ancien quartier, j’ai le sentiment de toutes les revoir sur cette photographie.

- 4. On s’attaque maintenant plus précisément au corps de Simone de Beauvoir. Eclaircissement à la pastille de tout le haut du corps, notamment les bras, rendus plus fluides, des rides aux épaules sautent, de même que ce qui paraît être des tâches de rousseur sur l’image originale.

- 5. L’éclaircissement, toujours à la pastille, des fesses et du haut des cuisses permet d’une part de les rendre plus visibles, mais aussi de gommer un peu la largesse des hanches et du haut des cuisses.

- 6. De même avec les jambes.

- 7. Sur la fesse droite, quelques boutons disparaissent sous quelques coups de tampons de clônage.

- 8. Et dans la cuisse droite, un peu au dessus du pli du genou, quelques coups de tampons de clônage permettent également de débarrasser cette pauvre Simone qui n’en demandait décidément pas tant d’un peu de culotte de cheval.

- 9. Ajouter un calque de densité en lui donnant comme couleur de fond à faible opacité cette délicate couleur rose.


Je me demande bien ce que l’on fait dans cette galère. Publier en Une la photographie de Simone de Beauvoir nue. Et ensuite s’acharner à faire ressembler cette femme des années 40 à une femme d’aujourd’hui. (...)

Et pourtant cette semaine le Nouvel Obs s’est évertué à faire ressembler Simone de Beauvoir à Laure Manaudou. Peigne-culs..."

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Ce qui me fait me demander ce que la principale intéressée aurait dit à propos de ces photos retouchées...

Anonyme a dit…

"Tss! Tss! On regarde mais on (re)touche pas! "
peut-être?

Triste époque, ou les médias, les publicistes, le marketing en général, cherchent a aseptiser nos gouts pour ce que nous trouvons beau, troublant... A tous vouloir nous mettre dans le même sac, plus facile a emporter, a accrocher...

La photo originale est a mon sens, beaucoups plus belle que la retouchée.
C'est exactement le genre de cliché qui me plait, qui me trouble: sans mise en scène, juste l'instant saisi. Et il semble s'en passer des choses dans cet instant!
Et je te rejoins Stan: Très jolie femme, aux formes épanouies, magnétisantes.

Enfin, je suis toujours ravi quand on fait des allusions au blog de Mélie! J'adore ce qu'elle fait! 8-)

Erik A. a dit…

Oui, cette photo revue est aseptisée, mais l'époque aime gommer les petits défauts corporels, qui sont pourtant l'essence même de la réalité...

Quand à Mélie, je suis fan aussi. Et elle le sait, je crois.

Erik A. a dit…

@ PMC: on est à peu près sûrs qu'elle n'aurait pas aimé, au vu de son "parcours"...

En aurait-elle seulement souri ? L'analyse trouvée sur le blog mis en référence me semble judicieuse.