Sans prévenir vraiment, laissant juste une courte lettre d'adieu et plein d'interrogations... C'était lundi.
T'es chiante ! Bon, on se voyait plus depuis longtemps. Amis-amants d'une époque révolue, je t'aimais bien, mais je ne t'aimais pas. Tu n'en as jamais souffert, et moi non plus, c'était comme ça. Cela ne t'empêchais pas d'avoir des amoureux. Qui ne te fessaient pas, eux... S'ils avaient su à quel point c'était important pour toi que ce secret intime enfoui !
Tu as partagé mes jeux de cul avec entrain, t'as même essayé (et en partie réussi) de me refiler ta cousine V. qui cherchait un pygmalion-fesseur, t'en souviens-tu ? Tentatives avortées, brève tentation de ma part de jouer au "Maître" avec cette brave fille qui tremblait comme une feuille d'automne dès que je lui adressais la parole, même pour lui demander l'heure ! Too much. Dérisoire et sans intérêt au final, je ne suis pas le divin marquis.
Des troubles par procuration, quand même, dont tu étais un peu jalouse.
Alors oui, complices, copains pour des jeux rares, voire interdits... Je me souviens du jour où tu m'as parlé des formidables déculottées que tu recevais gamine et qui ont marqué ta libido au point que tu aimas à en recevoir ensuite dans ta vie de "grande". Restée toujours un peu petite, paumée malgré le fait que tu aies un an de plus que moi. Mon aînée... Dans un an, je serai plus âgé que toi...
Je t'ai écoutée, te faisant parler de ces punitions des années 60 dans ton village de Normandie, prenant l'air étonné et demandant des détails. Naïve, tu m'en as donné. Plein... Croustillants et bandants. Et puis j'ai repris la main. Ensemble nous avons joué...
Avec tes instruments de cuisine, ou à la main, tu es même une des rares à savoir que je peux switcher, pour peu qu'on sache me faire plier et me montrer qui dirige.
Un jeu, encore... Car je sais bien que c'est moi. Tu n'es pas une Domina...
La vie, parfois, fait qu'on se perd de vue... Tu n'étais pas de mes intimes. Plus de dix ans sans trop savoir ce que tu deviens, excepté par un copain qui fait la liaison et me parle un peu de toi, qui n'a pas changé, toujours naviguant un peu entre deux eaux. Ce côté baba cool totalement à l'ouest est ta marque de fabrique. Qui me gonfle. J'aime les femmes bien ancrées dans la vie, et capables aussi de s'abandonner, pour jouer. Mais les vraies paumées, au secours...
Et puis... Samedi je reviens de vacances. Long voyage en avion. Fatiguant. Je regarde mes mails, distraitement.
Un de toi, anonyme, par l'intermédiaire d'un de ces trucs style Facebook. "Une amie veut vous parler, inscris-toi sur..."
Je le fais. "Bravo, vous êtes inscrit sur... Vous êtes le nouvel ami de..."
"... a deux amis inscrits."
Un peu dérisoire. Je me demande bien pourquoi tu me propose ça. En fait le côté "copains d'avant" m'emmerde copieusement. Si on se voit plus, c'est qu'il y a des raisons. Toujours... Je ne crois guère à ces retrouvailles fortuites. Et revoir mes "potes de maternelle" m'indiffère totalement...
En plus tu as mon mail... Alors communiquer par une messagerie ! Surtout après dix ans sans nouvelles ! Et sans en vouloir d'ailleurs, de part et d'autre, à part une curiosité passagère. Bref.
Je joue le jeu, envoie un message par l'intermédiaire de ce nouveau truc, sans conviction. Je ne sais pas pourquoi tu veux communiquer avec moi, mais après tout, pourquoi pas ? Pas de réponse.
On est Dimanche. Je passe à autre chose.
Lundi soir, un coup de fil de S. m'apprend que tu es partie. Pour de bon. Paraît que tu était très "noire", négative et triste depuis des mois, que tu lançais des SOS à qui mieux-mieux. Sans recevoir de bouées en retour, d'ailleurs.
Mais, à force de crier au feu quand il n'y a pas d'incendie, hein, forcément... Le jour où ça brûle pour de bon, les pompiers ne se déplacent plus...
Tu as voulu m'inscrire le samedi, et le lundi matin...
Plusieurs de tes amis/copains/relations ont - semble-t-il - reçu un mail ce week-end, comme moi. Tu aurais passé la journée et la nuit sur ton PC à tenter d'envoyer des bouteilles à la mer.
À des gens perdus de vue, comme moi. Des "ex", proches ou lointains, comme moi... À des amis qui maintenant te pleurent.
À ton fils, aussi...
On n'a pas eu le temps de te répondre. Et tu n'es plus là pour lire nos messages. La police a appelé pour quelques questions dérisoirement inutiles...
Mais il n'y aura pas de réponses aux miennes...
So long, Darling...
Elle s'appelait Françoise...
Illustration © Evan Hayden- 2004
2 commentaires:
wow bas didonc sa fait peu de temps que e lis les poste et celui la me met en larme. Dsl pour ton amie mais ton poème en prose et de toute beauté, j'en chiale comme une gamine.
Rien a dire de plus.
Kassy
@ kassy: "Poème en prose", jolie définition pour ce texte écrit spontanément sous l'emprise de l'annonce du départ de F.
Je l'ai mis en ligne comme ça, sans trop réfléchir, il n'est peut-être pas à sa place... Mais ce qui est dedans vient du cœur.
Je ne vais pas non plus jouer les violons. F. était une amie du passé, et on ne se voyait plus depuis belle lurette. Il y des gens comme ça, dont on croise un jour le chemin, certains comptent et restent, d'autres passent...
Mais c'est évident que la disparition inattendue de quelqu'un qu'on a connu ramène en arrière et fait immanquablement repenser aux épisodes de son propre passé, bon ou mauvais... Et aux gens - importants ou non - qui ont peuplé ce passé-là...
Mais vous avez raison, "rien à dire de plus"...
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