16 novembre 2010

Pas de second round...

2005 - Le cœur battant, il est entré dans l'appartement, un lieu inconnu, éteint et silencieux.

Dix minutes plus tôt, elle lui a dit au téléphone de jouer le jeu, ne surtout pas allumer, juste pousser discrètement la porte d'entrée ouverte pour lui quelques minutes plus tôt. Et surtout, qu'elle l'attendrait, exactement disposée comme ils avaient dit la veille...

Il est entré, a refermé doucement derrière lui, tournant la clé dans la serrure, puis s'avance avec précaution dans le noir de l'appart, mains tendues en avant comme un somnambule par crainte de faire tomber un truc, heurter une table ou de se cogner contre une porte. Soudain, sa voix venant d'une pièce du fond le guide vers elle, lui permettant de se diriger uniquement en faisant confiance à l'ouïe...

Rai de lumière sous la porte d'une chambre à coucher, au bout d'un étroit couloir qui sent la cannelle. Juste une lampe sur la table de nuit, discrètement masquée par un voile de tissu posé au-dessus de l'abat-jour. Éclairage doux, rosâtre.

Il entre... Très vite, ses yeux s'habituent à la lumière diffuse. Des murs rouges, un miroir ancien sur pied, des fleurs séchées sans un bocal, un de ces imposants lits chinois à baldaquin, un truc venu en droite ligne de la Maison Coloniale et sur lequel elle est nue, allongée à plat-ventre, fesses tendues.

Elle a mis sur ses yeux un de ces bandeaux qu'on trouve dans les avions lors des vols de nuit...

- "Je... J"ai envie d'une bonne fessée, monsieur..." 

Une toute petite voix qu'il reconnait pourtant. Elle travaille dans une radio FM connue, anime l'émission du matin avec un ton d'ordinaire infiniment plus affirmé. Un mois qu'ils se parlent sans jamais s'être vus, elle s'amuse à lui adresser de petits messages subliminaux, lancés entre deux chansons, des codes que lui seul peut percevoir, forcément. Et puis ils ont décidé de concert de franchir le pas, se voir "en vrai"... Que l'histoire existe, quoi...

Il hésite sur la conduite à tenir, submergé par l'émotion et envahi par le trouble. Bien sûr, ne pas décevoir l'attente, l'envie, ce désir de vivre avec lui quelque chose de "différent" qu'elle a eu le temps de laisser mijoter depuis des jours et des jours. Compliqué de retrouver l'étonnante osmose pourtant si palpable quand ils se parlaient de longues heures au téléphone.

Il pose sa main gauche sur sa hanche. Frémissement. Elle se cambre comme une jument rétive dans l'attente de la cravache... Mais il n'est que douceur.

C'est leur premier contact tactile. Sensuel. Il prend - du moins le croit-il - le temps de la comprendre, s'emparant d'elle en douceur, à son rythme à lui, avec ses mains, ses doigts, sa bouche. Elle tremble d'excitation, dans l'attente de quelque chose de fort, de rapide, de violent, d'intense, probablement plus que lui qui la découvre à chaque seconde et doit immédiatement sentir ce qu'elle veut, sans faire de fausses notes.

Il se sent maladroit, peu à l'aise, d'autant qu'elle ne fait rien pour l'aider, le laissant chercher.

Il essaye bien quelques gimmicks qui d'habitude "fonctionnent", des classiques, probablement trop d'ailleurs, sans savoir s'il n'est pas un peu gauche et à côté de la plaque.

Il l'est. Continue pourtant, ne le sentant pas tout de suite, croyant même que la façon de faire qu'il impose, le tempo qu'il donne au jeu, est le bon.

Ils font l'amour.

Mais, hic ! Là où elle attendait un loup, il n'est que caniche frétillant... Il ne la fesse pas alors qu'elle l'implore quasiment. Pas le moment. Ce sera pense-t-il pour la prochaine fois, là, pour lui, c'est juste une sorte de phase pour se connaître, c'est rarissime de réussir une première fois et c'est souvent lors du second round que les amants commencent à se trouver...

Au petit matin, ils se sépareront. Il ne la reverra jamais. Raté.

Ratée, surtout. Sur tout...

10 commentaires:

Valmont a dit…

Ah la complexité des femmes, on se trompe parfois, mais il reste les jolis moments... Il faut bien plus de round encore pour les connaître vraiment... Amitiés Stan.

Stan/E. a dit…

Merci V. En même temps cette histoire prouve qu'on peut se tromper du tout au tout. Et qu'une fois que c'est raté, c'est assez irrémédiable.

Il en a fait les frais, annonçant dans leurs discussions au tel excitantes bien trop de choses suscitant l'attente et la gourmandise. Et puis, au menu, juste un petit repas campagnard sans envergure, alors qu'il avait vanté ses talents de fin cuisinier gastro(nome !)... Erreur funeste.

D@n a dit…

A nos actes manqués !!

Oh combien! funeste cette erreur! Difficile,
même longtemps après, de s'en remettre!
je sais de quoi je parle!
la même chose,ou presque, m'est arrivée, mais pas dans l'obsurité d'une chambre telle que si bien décrite dans ce billet.

Après avoir écrit à 4 mains sur un site une histoire de rencontre improvisée dans une gare,
nous avons ,elle et moi voulu réaliser ce scénario
c'est donc: Dans un compartiment de wagon lit:
le fameux train hôtel qui part tous les jeudis soir
de Paris pour rejoindre Barcelone!que j'ai vécu cette "Nuit d'enfer" en quelque sorte.

Et à l'arrivée:
Règlement de compte:
Hélas pas avec une féssée car,au point où j'en étais, je crois que j'aurai accepté et je me serai sans doute laissé faire!

Non Elle a préféré la vraie sanction:
S'entendre dire "ses 4 vérités" sur le ton acerbe de celle dont a brisé le rêve par trop "d'humanité vanillée!"

Et le pire : La voir s'éloigner sur le quai!

Bravo pour ce site Stan
amitiés confraternelles d'un passionné !
D@n

Joy a dit…

Certaines se plaignent que le lion n'a été que chat et d'autres se plaindraient que le chat a été lion. Je crois que pour une première fois la douceur et la découverte devaient être de mise. Je pense que vous avez fait ce que vous deviez faire même si vous aviez promis d'autres réjouissances. Pas de second round pour cette demoiselle là, KO par abandon. Mais de toute évidence votre trophé est celui des souvenirs, c'est sans doute l'un des plus beau.

(Et puis je suis sûre que d'autres sont montées sur le ring face à vous sans s'en plaindre... enfin si ;-) ).

Charmant texte comme toujours.

Stan/E. a dit…

@ D@n: merci pour ces instants ferroviaires...

Chère Joy, oui, vous n'avez pas tort... Le ring est prévu pour des joutes amicales, hein...

Emma a dit…

Je crois qu'elle a phantasmé sur l'acte et pas du tout sur l'"acteur". On dirait que , dès le début , ils n'étaient pas sur la même longueur d'onde.
Mais , c'est joliment raconté.

D@n a dit…

merci Joy
D' avoir cette sensibilité
là(là où ça fait mâle)!
vous avez su deviner(voire diviner)! ce qui restera l'essentiel.
Vous aimez voyager??

Ellie C. a dit…

Je reste perplexe...

Pourtant, je fais parti des montés à l'envers à la naissance, qui rient quand on les fesses et qui pleurent quand ils jouissent… Mais comment imaginer que l’on puisse faire le tour d’un ‘deux’ en une seule et unique enjambée ?

Stan/E. a dit…

Ma foi... J'aurais probablement été meilleur à la seconde reprise. Mais je crois aussi que si ça n'a pas eu lieu, c'est que... ça ne devait pas être.

Au fond, c'est comme pour ces trucs, "copains d'avant" où on retrouve des gens perdus de vue avec qui on était en CP et qu'il faudrait être ravi de recroiser trente ou quarante ans plus tard, reprenant le néant là où on l'avait laissé...

Parce que passée la première excitation, on se rend compte que si on s'est "perdus de vue" jadis sans se laisser d'adresse, c'est bien pour une bonne raison. Si on ne se voit pas, il ne faut pas chercher plus loin.

J'aurais aimé un second round, donc, mais sans plus. Et puis cette analyse, je la fais à rebours, à 20 ans de distance. Si ça se trouve ç'aurait été pire.

So a dit…

Figurez-vous que c'est le film Rien à déclarer (par ailleurs, je l'ai trouvé franchement nul) qui m'a donné l'idée de revenir sur ce billet.
En voyant sortir de la voiture de la brigade volante de douaniers le chien Grizzly...adorable petit toutou, votre phrase "Là où elle attendait un loup, il n'est que caniche frétillant" m'est aussitôt revenue à l'esprit ! Avec un tel nom, dans le film, ce n'est pas un loup, mais un ours qu'on attendait, mais par association d'idées...
Alors oui, pas de 2nd round...c'est là tout le problème de tenter l'expérience sans avoir pris le temps de se connaître l'un l'autre. S'il existe une complicité préalable, on peut s'accorder des loupés. Tandis qu'avec un inconnu, si c'est raté, c'est vraiment fichu me semble-t-il... Ceci dit, je ne parle pas en connaissance de cause, car il me serait impossible d'accorder la confiance nécessaire à quelqu'un que je n'aimerais pas et qui ne m'aimerait pas, et avant de parler d'Amour, il faut du temps passé ensemble...