03 mars 2011

Pygmalion pas mort !

2228 - "L'orgueil de sa jeunesse"...

Paroles de fille...

Texte sous forme de fausse "interview vécue" trouvé dans ma boîte mail. Des lignes exutoires pour apaiser une envie d'écrire de chaque instant.

Elle l'a rencontré, au sortir de l'adolescence. Vingt ans d'écart. Une vie. Des errances, des troubles, des jeux. L'imaginaire. La fixation du désir sur un corps qu'on a aimé. Malgré des mois sans se voir et la rareté de leurs rencontres désormais plus sages, cette libido qui persiste en filigrane...

 Comment peut-on appartenir à un homme ?

- "Comment pourrais-je vous expliquer pour quelles raisons je lui ai appartenu ? Car ça ne s’explique pas. Ni sur un divan, ni dans un café. Vous pourriez me dire que j’étais jeune, qu’il a profité de moi, en a abusé même. Mais je n’ai pas besoin d’excuses. J’ai ravalé - puis vomi - la honte qu’on a voulu que je ressente "après lui", comme pour me dédouaner de mes propres désirs. Est-il socialement plus correct pour une jeune femme de se dire "aveuglément amoureuse" pour justifier le fait que son amant la corrige et qu’elle aime ça ?

J’aime sentir son regard qui pèse sur le mien. L’agacement, puis cette inévitable colère qui dessine un orage sur son visage, la petite lueur qui s’allume dans ses yeux, tous ces signes aussi incontournables pour nous qu’indéchiffrables pour tous les autres.

J’aime aussi me rendre insupportable, le titiller à la limite du raisonnable, minauder alors qu'il déteste ça, faire la fière, le snober. Lui reste stoïque. Jusqu’à ce que je comprenne que cette fois, je suis allée "trop loin" selon le terme consacré. Un sourire froid me coupe dans mes gamineries. Nous plongeons alors ensemble dans un silence qu’il entretient, savourant la tension qui monte dans la voiture tandis que des paysages de plus en plus denses s’étalent autour de nous. 

Il arrête le moteur, le plus souvent sans savoir à l’avance où nous allons.

Tout ce temps, j’ai eu en lui une confiance totale. Jamais je n’ai envisagé qu’une mésaventure - autre que celle de me retrouver les fesses à l’air et bouillantes sous ses mains - pouvait arriver. Je crois n’avoir même jamais songé qu’on pouvait nous surprendre. Même à portée de voix des passants au bord du lac du Bois, si je n’ai pas voulu crier, c’est pour lui montrer qu’il ne m’impressionnait pas. Du tout.

Premier tête à tête, il y des siècles. En forêt, déjà. Je parle, je papote, je babille… 

Impressionnée par cet homme, pas par son âge, mais parce qu’il est là alors qu’il a sûrement autre chose à faire. Mais non, il reste, m’écoute. 

Mieux encore, il me fait parler…. 

Je pourrais vous dire qu’il a de beaux yeux verts, tout comme en cherchant bien, aujourd’hui encore, je pourrais lui trouver un petit quelque chose de Brad Pitt… Mais j’ai surtout entendu sa voix, après la mienne.

La morale est sauve: j’ai connu la chaleur de ses bras avant de goûter à ses mains. Mais il ne m’a embrassée qu’à la fin d’un trio mémorable dont je garde des images d’une sensualité que le temps a sans doute largement idéalisées.

Des corrections reçues au coin d’un bois, des trios réussis… L’image de "la jeune fille abusée" vacille. Tant mieux, elle me correspond si peu.

Quand j’ai envie de lui, je me vois culotte aux chevilles et sur ses genoux. Je n’imagine pas "faire l’amour" avec lui, autrement qu’en lui offrant mon cul couvert de marques. Ce n’est pas son mode de fonctionnement, mais le nôtre ! Avec lui je baisse les yeux, mais pas la tête...

Le sourire en coin demeure et quand je croise son regard, même nue à quatre pattes, même offerte, j’y lis une connivence bien au-delà du désir.

S’il vous prenait l’envie de me juger, vous qui me prenez pour un monstre de perversion et me regardez en oubliant que vous baisez dans la même position chaque samedi soir depuis 15 ans, demandez-vous avant: comment réagit-il quand vous lui dites "non" ?

En toute sérénité, je répondrais qu’il me sourit..."

Comment avez-vous supporté de n’être que sa maitresse, si vous l’aimiez ?

- "J’ai supporté de ne pas être la seule femme de sa vie, dites-vous ? Pensez-vous qu’il était le seul homme de la mienne ? Je tire aujourd’hui encore une grande fierté de savoir que même en le partageant, je suis unique à ses yeux...


Voyez-y toute la vanité du monde, ou un stratagème pour me rassurer, si ça vous amuse. Les chemins que nous avons pris ensemble, il ne les a sillonnés qu’avec moi. Je ne suis qu’une aventure dans sa vie, je le revendique. En aucun cas, je ne veux partager son quotidien plus de deux jours. Je ne veux pas des mesquineries de la vie ordinaire avec lui. Une fessée devant une feuille d’impôts tient du blasphème. Je cultive mon statut de maîtresse, il me protège de celui d’épouse...

Avilie, salie, dégradée, quand ce n’est pas en plus, à mon insu, mais que ne m’a-t-il pas fait ! Pire encore, j’en redemande ! Ce que vous nommez "saleté" se nettoie à l’eau et au savon. Dégradée ? Aux yeux de qui ? Si c’est aux vôtres, alors il n’est pas encore allé assez loin, puisque vous me regardez encore. 


À mes yeux, il ne m’a dégradée que lorsqu’il m’a oubliée. En sa compagnie, j’étais fière et je le suis plus encore aujourd’hui, mesurant le chemin parcouru.

Avilir… "Rendre méprisable, déshonorer..." Quelques claques sur les fesses ne m’ont jamais rendue méprisable, encore moins déshonorée. Par contre, elles m’ont rendue plus forte, ne serait-ce que parce que - pendant que je vous parle - je peux vous imaginer à ma place et en rire.

Peut-être ressentez-vous certains soirs le besoin d’un alcool fort, d’une taffe, ou bien prenez-vous le comprimé-miracle qui vous fera dormir d’un sommeil sans rêve. J’ai choisi la sexualité, le cul, l’orgasme pour décompresser...


Il m’est arrivé, il m’arrivera encore, de passer la porte d’un club échangiste comme une droguée en manque. J’en ressors la tête à l’envers, courbaturée et un peu saoule de toutes ses mains qui m’ont palpée, griffée, bref dépouillée, permis de déconnecter deux heures au moins du monde réel.

Je n’ai pas oublié la première fois où on m’a ouvert la porte. L’œil dubitatif du patron, devant ma tenue, jeans, sous-pull, baskets… 


- "Vous savez où vous rentrez ?"

- "Oui..." En plein après-midi, il n’y avait que des hommes au bar, plus proches de la cinquantaine que de la vingtaine, pas très beaux, même sous un éclairage indirect. Ça ne m’a pas fait fuir. Un homme m’a adressé la parole. Je lui ai juste dit que c’était la première fois que je venais, puis nous sommes descendus sur la piste de danse, entourée de lits et de banquettes. 

Je me faisais l’effet d’être un pot de miel. Le peu d’habitués présents se collaient à moi et m’entraînaient comme une cohue dans le métro, vers un matelas disponible...

J’ai le souvenir d’avoir été assise, le sexe offert. Un homme dont je n’ai même pas vu le visage a enfoui sa tête entre mes cuisses et m’a amenée à la jouissance avec sa langue. Pendant ce temps, des mains faisaient durcir mes seins, des bouches les mordaient. Au moment de jouir, je me souviens très bien du gérant venu me murmurer: "Surtout, tu ne fais que ce dont tu as envie ici, hein ?" 


C’est cette phrase qui m’a permis de lâcher prise et de m’abandonner au plaisir."
Texte © Miss Kate
Dessin © Milo Manara

6 commentaires:

Emma a dit…

J'aime beaucoup ce texte , à part le dernier paragraphe , trop loin de moi. Mais ,tout ce qui est avant , je trouve que c'est une très belle déclaration d'amour.:)

Stan/E. a dit…

Sans doute, mais il ne faut pas tout transposer non plus ni y voir un message personnel qui ne dirait pas son nom, ça reste un écrit romancé, un début de livre à venir et surtout pas un reportage "pris sur le vif" à prendre au pied de la lettre.

Basé sur des sensations, et des choses réelles, mais "relues".

Nush a dit…

Un texte est toujours parfait lorsque l’on peut y projeter nos ressentis et cela fait très longtemps que je n’avais pas été touchée de cette manière.
C’est absolument admirable.
Il y a dans cette ‘langue’ quelque chose d’infiniment personnel et aussi d’infiniment féminin. Elle décrit sans fioritures ce que j’ai ressenti ; parfois c’est tellement ‘moi’.

Ellie C. a dit…

C'est bien ce texte ... C'est gonflé, mais c'est bien ! (spécialement en verve ce matin...)

Mais alors, je n'ai pas vu ce qui était 'sale' et 'dégradant'... ça m'inquiète un peu. Faut peut être que je prenne rdv chez l'ophtalmo...

Stan/E. a dit…

Je crois que c'est un peu comme une lettre ouverte, une fausse interview, mais je ne vais pas m'avancer. pour ce que je sais, et comprends, il y a un mélange de vécu et de transposition, qui donne un ton unique et réaliste...

Faudrait qu'elle vienne en causer elle-même en fait. Rien de sale ni de dégradant, évidemment, si ce n'est dans le regard des autres, parfois, ceux qui jugent tout tout le temps de façon négative... Et dont l'avis importe peu au final.

Miss Kate a dit…

Décidément, qu'on puisse causer autour d'un de mes textes, ca m'épatera toujours !
Merci ! Car ca me fait plaisir en tout cas.
Une suite next time... (boss absent, un peu moins de taf, un peu plus de
temps: merci patron !)