07 juillet 2020

Esparbec ? D'un Georges à un autre...

3505 - "Disparition d'un pornocrate avéré !"

C'était ce qu'il convient d'appeler un "auteur de romans de gare" et il s'appelait Georges... Pas vraiment le prénom d'un perdreau de l'année, j’en conviens. Il avait 87 ans, l'âge de mon père.

Je ne le connaissais pas. Il a pourtant pas mal écrit sur la fessée !

Un autre Georges, que lui j'ai par contre croisé en Charente un jour de Grand Prix de la Ville en janvier d'il y a un moment et disparu avant lui, voici plus de cinq ans, ne tarissait pas déloge sur cet homonyme, "écrivain pornocrate" de près de deux cent titres et directeur de collection de bouquins de cul, le tout chez chez Media1000...

Il en avait même fait une page de BD parue dans Charlie, après leur première rencontre à la Musardine, rue du Chemin Vert..

Car Georges Wolinski tristement tombé sous les balles de tueurs sans culture venus l’assassiner au sein de sa rédaction lui et d'autres, morts en plein Paris au nom de croyances d'un autre temps, était un copain d'Esparbec...

Pas étonnant.

Wolinski pourtant pas en reste se disait même stupéfait par l'audace de son pote, notant dans Charlie Hebdo sur cette planche BD: "ce qu'écrit Esparbec est scandaleux, sale, fascinant, angoissant, comme tout ce que nous refoulons !"

Mais voilà, Esparbec, nom de plume de Georges Pailler, est mort à son tour aujourd'hui... Plus “paisiblement“ peut-être.

Jean-Jacques Pauvert qui savait de quoi il causait lui consacra même un long chapitre dithyrambique dans sa fameuse Anthologie historique des lectures érotiques (tome 5, 1985-2000, Stock), une vraie reconnaissance pour cet autodidacte.

Je reviens à Wolinski, fin connaisseur s'il en est et pas le dernier à parler de cul... Il a écrit que "Non, personne encore avant Esparbec n′avait écrit avec un tel talent ce genre de livres qu′on rangeait autrefois dans l′enfer de la bibliothèque. Je suis stupéfait par son audace !" s′exclame-t-il.

Bon, l'amitié l’égarait probablement, c'est quand même pas du Pierre Loüys non plus. Mais c'est un avis personnel. Il ne manquait plus à Esparbec pour être admis dans la cour des grands que d′être publié par France Loisirs, en attendant La Pléiade et le grand prix de l′Académie Française, sans doute ? Lui au moins restait modeste et parlait en ces termes de son travail:

“Quant à mon style, proche du degré zéro, il s’interdit de former écran entre les choses racontées et le lecteur. Il vise la transparence : le regard du lecteur doit le traverser sans s’y arrêter comme celui d’un voyeur un miroir sans tain. Cette écriture neutre, behaviouriste bannit le vocabulaire “spécialisé“ et convenu des années 1970 et 1980 (cyprine, pieu, mandrin, chibre, turgescent, etc...) ou celui des pornos de sex-shop actuellement repris par certains auteurs féminins dans des récits soi-disant scandaleux, mais aussi la métaphore et tout ce qui l’accompagne: les "trouvailles", les mots d’auteur, les effets de style, les joliesses narcissiques. 

Si le lecteur remarque que le livre est "bien écrit", c’est raté: il ne regarde plus, il lit. Je me bats donc avec tous les débutants contre la tentation de faire joli, ou de se regarder écrire.

 L’auteur de porno doit s’effacer devant ce qu’il raconte."

En 1998, un récit autobiographique, "Le Pornographe et ses modèles", attire l′attention de la critique et devient en quelques mois un véritable "livre culte".

Et Georges revendiquait pleinement ce statut de "pornographe".

Un dernier mot ? 

Esparbec estimait que la pornographie pouvait aussi être source de qualité:

"Il y a de bons polars, de bons bouquins de SF, pourquoi pas de bons pornos ? Pourquoi la pornographie devrait-elle être laissée à des écrivains de second ordre ? Dénués de talent ? Pourquoi la vouer aux poubelles de la littérature, aux sex-shops ?"  

On ne saurait mieux dire. Adieu Georges ! Tu vas retrouver Wolinski là-haut et je suis certain que vous allez bien vous marrer...

Images © Wolinski

4 commentaires:

Red Charls. a dit…

J'avais zappé l'info ! Merci Stan.

Stan/E. a dit…

De rien, Red...

Richard Le Corre a dit…

Moi aussi. Merci Stan aussi, malgré la tristesse de cette nouvelle !
Georges m'a donné ma chance, il a guidé mes premiers pas d'écrivain pornographique, me donnant les indications nécessaires pour que mes écrits correspondent aux objectifs de ses publications, et puis voyant que je me débrouillais tout seul, il m'a laissé libre de mes créations littéraires. Il m'a fait confiance, m'a permis d'être publié.
Nous avons eu d'instructives discussions, des échanges fructueux. Son mérite inestimable pour moi rend sa disparition particulièrement triste -après une vie bien remplie quand même- et je me demande aujourd'hui qui pourrait comme lui donner cette chance formidable à des auteurs inconnus. Je me devais de lui rendre hommage.
J'espère comme toi qu'il va pouvoir maintenant plaisanter là-haut avec "l'autre" Georges.
Salut le pornographe !

Stan/E. a dit…

Je ne doute pas qu'il y ait heureusement quelques directeurs de collection capables de donner leur chance à de nouveaux auteurs, c'est d'ailleurs leur rôle. Salut, Rich/Y.