04 juin 2007

Froid dans le dos...

285 - Edith Cadivec… J’ai été interpellé par une fille sur un chat qui portait ce pseudo, sans que je sache de qui il s’agissait. J’ai cherché un peu... C’est édifiant et en dit long sur la personne qui utilise un tel patronyme pour se présenter…

... Car Edith Cadivec était une institutrice autrichienne enseignant dans un pensionnat de jeunes filles et qui fut condamnée en 1924 par la justice de son pays à six ans d'emprisonnement pour abus d’autorité sur les élèves dont elle avait la charge !

Y compris sur sa propre fille…

Edith, c'est cette femme au regard dur que vous voyez en portrait ci-contre.

L’accusation a apporté de nombreuses preuves à travers les plaintes d’adolescentes et de nombreux ouvrages traitant de l’éducation anglaise trouvés chez elle, ainsi que divers accessoires, verges, fouets, images licencieuses sadiques et évidemment ses propres écritures relatant les faits avec force détails… Attention, danger !

Eros, d'Edith Cadivec, 317 pages !

Ce livre relate donc par le menu l’histoire vraie d’une institutrice viennoise des années 1920 condamnée à six années de prison pour avoir vécu ses fantasmes de punitions et de châtiments corporels avec ses élèves.

Depuis sa cellule elle pose sur le papier ses Enfers en écrivant un inquiétant roman quasi autobiographique, décrivant, avec un réalisme qui glace, toutes les obsessions qui l’ont conduite derrière les barreaux, elle qui avait dit à son avocat au moment du jugement:

"Repenser à ça sans le vivre est mentalement la seule consolation qui me reste désormais…"


"Je peux comprendre pourquoi un certain type de personne a besoin d’écrire les vingt ou trente premières d'un livre comme celui-ci. Je peux même comprendre pourquoi elle pourrait en écrire une cinquantaine. Mais plus de 300 pages d’un imaginaire pervers réitéré, totalement axé sur le fouet donné à des adolescentes déculottées ?

Le livre reprend la fausse correspondance supposée d'Edith avec une certaine Senta qu’il est assez facile de décrypter comme étant son double fictif. Oui, c'est une grande, longue conversation avec elle-même. La majeure partie de ce livre est donc une suite de lettres, soi-disant échangées entre les deux femmes au fil des semaines.

Senta
est la tête d'un orphelinat strict et chargée de punir les 130 jeunes filles indisciplinées confiées à sa responsabilité et elle écrit des lettres à Edith, "ancien professeur maintenant privée de sa profession par la justice pour avoir maltraité sa propre fille et certaines de ses élèves"... pour lui demander des avis et des conseils sur la façon d’agir envers les maudites péronnelles dont elle a la charge !

Senta
part même en "voyage d’étude", histoire de dresser un panorama européen des établissements de filles selon les pays qu'elle visite."

Une sorte de guide Michelin des châtiments corporels dans les années 20 !

Du coup elle devient donc une sorte de témoin privilégié d'une innombrable variété de punitions corporelles qu’elle décrit à sa correspondante avec la précision d’un entomologiste épinglant des papillons sur une planche de liège.

"Edith et Senta, qui projettent de vivre ensemble au passage, discutent même durant des pages du fait d’engager une fille de douze ou quatorze ans comme domestique, gamine qu’elles auraient à disposition jusqu'à sa majorité..." Même imaginaire, l’idée est assez effrayante et nous rappelle une certaine affaire belge. Le pire est de penser que ceci a pu ne pas avoir été qu’une simple hypothèse littéraire pour Cadivec, qui écrit ce livre après des mois de prison et un retour à l'anonymat relatif..."

Récidiviste dans l’âme, visiblement l’enfermement n’a pas réduit ses fantasmes ni servi de leçon à l’enragée Edith

Difficile donc de démêler fiction et réalité, ni ce que contient de vrai cette fausse correspondance monomaniaque. Mais on peut penser que c’est juste la transcription fictive de réelles envies, de désirs fondamentaux que la prison n’a pas effacé de l’esprit de l’auteur. Surtout à la lumière de ce que nous savons de Cadivec...

"Dans Eros, le personnage Edith déplore que la société ne comprenne pas les avantages de ces punitions pour des filles d'une part ainsi que le plaisir sexuel ressenti par les bourreaux punisseurs de l'autre.

Elle déplore également qu’on lui ait retiré la garde de sa propre fille, et n’arrive pas à admettre complètement pourquoi la justice l'enlèverait à son éducation. Cadivec idéalise un monde scolaire éducatif de sa propre fabrication dans lequel évolueraient des filles adolescentes avec d’intransigeantes maîtresses. Il est totalement exempt de mâles, indépendamment d’un vague chapitre où un garçon s'avère justement victime lui aussi d’un de ses scénariis disciplinaires.

Sa misogynie embarrasse.
Senta justifie sa haine des hommes comme étant la résultante d'un mariage pendant une année et demie avec un homme qui ne la voyait et ne se servait d’elle que pour assouvir ses pulsions sexuelles, au cours d’étreintes imposées au nom du sacro-saint "devoir conjugal". La contrainte, quasiment un viol quotidien, Edith le déteste pour ce qu’il lui fait subir dans le lit, une fois la nuit venue…

Ironique, et tristement classique en psychiatrie, pour cette femme bafouée qui, dès qu’elle a à son tour un pouvoir, n’envisage les enfants qu’on confie à sa garde qu’en tant qu'objets potentiels de ses plaisirs sans se soucier des dégâts occasionnés à ses jeunes victimes…"


Oui, Cadivec est clairement un prédateur, quelqu'un qui ne peut pas se satisfaire de sa seule imagination. Sa sexualité exige du réel, du vécu…

Une expérience réelle qui lui fait dire sous couvert de sa correspondance que "seules les vraies expériences ont de la valeur à mes yeux et je déteste la fiction. Je trouve la littérature érotique banale et sans le moins du monde excitante pour moi…"

"Sa sexualité est entièrement fétichiste et fortement ritualisée. Le scénario est presque toujours identique:

une fille dans l'adolescence, déculottée et battue sur les fesses sans se soucier de ses cris, de ses pleurs ni de ses supplications.


Cadivec
mentionne les instruments, fouets à chien, verges, martinets qu’elle utilise pour punir ses victimes, mais elle est avant tout fascinée par la canne anglaise, formée d’une tige de bouleau. Au point qu’Edith va jusqu’à se servir de la poignée de l’instrument pour se donner du plaisir et masturber son amie Senta..." (qui je le rappelle n'existe que dans son imaginaire, à la façon d'un double cloné) "la canne est et reste notre langue plus douce !" C’est dire !

"Cependant il est impossible de savoir à quel point ses désirs sont de l’ordre de l’imaginaire, des images pour sublimer ses séances de masturbation ou si elle est réellement attirée par une relation lesbienne. Mais le fait que le lecteur sait pertinemment que certains de ses écrits sont basés sur les crimes avérés réels de Cadivec apporte un bémol qui fait froid dans le dos…" (traduit librement d'après l'article trouvé ici)

Ça a probablement permis à cette femme d'exploiter ses perversions vécues et de les faire revivre d'une manière littéraire pour laquelle on ne peut l’incriminer judiciairement, puisque c’est une œuvre imaginée.

Une fiction... (dont j'ai traduit ici un édifiant extrait...)

On est loin des jeux "entre adultes consentants" si chers à ma libido... Même si "les malheurs de Sophie" (où on trouve quelques scènes assez proches, sexualité mise à part) m'ont sûrement conditionné pour la suite, madame Fichini n'y était qu'une fiction, l'image de l'adulte punisseur pour mon imaginaire. (dessins de Lévis)

La voir incarnée en réel, comme cette véritable malade mentale qui avait perdu tout sens de la relativité en franchissant la ligne pour de bon sans arriver à contrôler ses pulsions n'est pas du tout pareil...

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Je note! Une curiosité à feuilleter, ou lire....

Erik A. a dit…

C'est fait pour ça. mais je ne suis pas certain que le livre existe en français. J'en propose un extrait, traduit par mes soins, dans le post 289 de ce jour...

Anonyme a dit…

Tu sais que tu réussirais a me faire débander de la fessée entre femmes avec tes histoires qui font froid dans le dos toi ?!

Merci pour cette "curiosité" comme dirait Nush. Par contre, je ne suis pas étonné que l'épreuve carcérale ne fut pas un frein a l'imaginaire et aux obsessions de cette "charmante" lady: Au contraire! Parole d'escob! ;-)

Sade n'a-t'il pas écrit ses oeuvres les plus perverses et destructrices dans ces mêmes conditions...?

A se demander si la prison est réellement une solution pour ce genre de personnages?

Les animaux sauvages ne le deviennent vraiment que quand ils ont connus la cage.