Jacques Serguine né en 1935 est un écrivain français à la plume prolixe dont l'histoire littéraire retiendra assurément la prose... Remarqué très jeune par Jean Paulhan (Tiens, tiens. L'homme en l'honneur de qui "Pauline Réage" écrivit "Histroire d'O") qui publiera ses premiers textes dans La Nouvelle Revue française, Serguine fera scandale dès son quatrième roman...
En effet, son sulfureux "Mano l'Archange" mettant en scène un héros de treize ans et sa sœur livrés à eux-mêmes, bien qu'unanimement salué par la critique littéraire, sera interdit à la vente pour "atteinte aux bonnes mœurs"... On notera que Serguine fit une incursion au cinéma: on lui doit le scénario original de "la fiancée du pirate" de Nelly Kaplan qui révéla Bernadette Lafont...
Dès lors, comment s'étonner qu'en marge d'une œuvre littéraire consacrée dans son ensemble à l'aspect sensuel des rapports humains, Serguine soit également l'auteur de "Cruelle Zélande" (amusante pochade insulaire érotico-porno sortie tout d'abord anonymement) et du très connu "Éloge de la fessée" dont on prétend qu'il a donné ses lettres de noblesse à cette fantaisie érotique qu'est la fameuse "éducation anglaise" ?
J'ai découvert Serguine peu avant mes 18 ans...
Cette osée couverture "rose sur rose" avec une main gaufrée d'une teinte plus foncée se détachant dans un très bel effet de relief, je l'ai aperçue un beau jour de 73 au Drugstore de Parly 2, au milieu de la production livresque du moment. Autant dire que me mordant la lèvre, je m'en suis saisi subrepticement après un rapide coup d’œil à gauche et à droite et que j'ai commencé sur place une lecture attentive des toutes premières pages. Il n'y en a pas beaucoup, moins d'une centaine, on est plus proche de l'essai que du roman, autant prévenir.
Las, utilisant sa propre expérience, l'auteur âgé alors de 38 ans y aborde sa manière très conjugale de pratiquer la chose avec son épouse Michèle, façon de faire qui ne parla évidemment pas du tout au très jeune homme inexpérimenté que j'étais alors.
J'ai toutefois après plusieurs jours d"hésitations (et de retours sur place pour le feuilleter à nouveau) fini par acquérir l'ouvrage "maudit", l'amenant à la caisse, rouge pivoine. Je crois me souvenir dans ma gêne que la jeune caissière me dévisagea tout en glissant l'objet du délit dans une anonyme et salutaire pochette plastique, mais c'est un souvenir fugace, ce qui est certain, c'est que je tendis mon argent et filai sans recompter ma monnaie.
La quatrième de couverture est explicite:
"Ce petit manuel vise à une réhabilitation de la fessée qui a le privilège magique de demeurer un des gestes de l'amour. À partir d'une expérience personnelle, Jacques Serguine échafaude une théorie brillante et, en trois chapitres d'une grande précision, raconte pourquoi, quand et comment il pratique la fessée quand il est amoureux. Il fait ainsi une belle démonstration du plaisir, de l'enseignement et du rapprochement qu'un homme et une femme peuvent tirer de son usage..."
Tout est dit ?
Presque.
"Jacques Serguine est un homme normal et sain qui aime et respecte les femmes, leur corps, leur derrière. Il explique sa réflexion sans sadisme ni masochisme aucun, avec beaucoup d'égard, de tendresse et juste ce qu'il faut de perversité pour demeurer en accord et en osmose avec l'Être aimé.
Ces trois chapitres intéressants mêlent culture, érotisme, philosophie et nous interpellent car notre éducation se veut quelque peu puritaine. Il nous expose les biens faits de la fessée au sein de son couple, ce geste d'amour dénudé, à son sens, de toute supériorité.
Sa réflexion attire notre attention. On comprend, on suit et, pourquoi pas... on adhère. Son geste préliminaire effleure, caresse, trouble, réconcilie, excite et se veut plus ou moins intense selon le désir de chacun c'est-à-dire entre deux personnes équilibrées qui se respectent et qui s'aiment."
Pour ma part, je recherchais alors des récits troubles sur le sujet et comme je n'avais pas encore vécu grand-chose en la matière, je m'intéressais davantage à l'aspect punitif et honteux du geste qu'à l'érotisme qu'il contient. Le livre de Serguine à l'opposé de tout ça ne me généra en cette année-là que de l’ennui et la sensation de lire un récit exhibitionniste dans lequel au final l'auteur ne parle que de lui avec une certaine délectation suspecte et une autosatisfaction à peine dissimulée...
Je ne pense pas que mon avis serait si différent en relisant de nos jours...
Mais à vous de juger, si vous ne connaissez pas cette petite "Bible"...
14 commentaires:
La Bible de Serguine n'a pas grand succès, on dirait ?
Pfff...Tout fout le camp, je vous le dis moi...
Alors l'élogeuuuuu... C'est un des premiers bouquins que j'ai lu sur le sujet alors oui ça m'a plu mais surtout le début. Il parle entre autre des caractéristiques du tissu de la culotte qui le fait triper et de quelques fessées la nuit au bord du lit. Après, ça tourne un peu en spirales de contradictions mais bon... J'en avais deux, je ne sais plus pourquoi, j'en ai filé un à un pote.
Après j'ai lu "cruelle Zélande" et franchement ça m'a éclatée, je serai de mauvaise foi de ne pas l'avouer. Juste une remarque comme beaucoup de livre érotico-porno faut absolument passer par toutes les positions et toutes les situations alors pour faire fort au 3/4 de bouquin il introduit des enfants qui "jouent" avec des adultes.
Vous me connaissez, dès que je lis le concept - de 18 ans je grimpe au créneau. c'est vrai quoi immédiatement je me demande ce qu'il y a dans le frigo pour le repas de soir. Je fais comment moi pour me détendre ?
Ensuite j'ai lu "l'attendrisseur" pas mal avec une fin un peu border line (même commentaire que précédemment) . J'ai acheté la suite "l'été des jeunes filles que j'ai a peine entamé. C'est sur qu'il est assez "sugar Daddy option mineures", comme gars.
Et comme la censure se désintéresse complètement de son cas, pourquoi se gênerait il ?
J'avoue que je suis assez d'accord sur votre analyse. Je ne suis pas fan de" l'introduction" de mineurs dans une oeuvre érotique. Seulement voilà, si censure devait s'effectuer, à ce compte là nous n'aurions pas lu Sade...J'aime à penser qu'il s'agit davantage de provocation littéraire que de réel fantasme, ( bien qu'une fois encore, je ne cautionne pas ça du tout); pour conclure, je dirai que l'Art a parfois une part de privilèges qui échappe à la censure et quelque part, c'est pas mal. Ceci dit, je serais tout à fait incapable d'écrire un roman mettant en scène ce genre de choses...
Mon exemplaire de l'éloge à la fessée est une réédition Folio, avec un très beau cul féminin ( http://im.alaya.free.fr/images/fessee.jpg )... Après l'avoir admiré en tremblant à plusieurs reprises, chaque fois que j'allais à la librairie pour faire le plein de SF, j'ai fini un jour par oser le prendre et aller le présenter à la caisse du Furet (immense librairie lilloise), rouge comme une pivoine, glissé sous un livre de sf... J'avais 14 ou 15 ans.
La caissière ne fit pas de commentaire et glissa le livre dans une jaquette publicitaire à l'effigie du magasin, comme c'était l'usage alors, ce qui me permit de ramener le livre à la maison en toute discrétion, sans que ma mère puisse capter la couverture ou le titre...
Je l'ai lu avec beaucoup d'émotion au début, dans les rares descriptions de fessée, bien que ça ne parlât que de fesser un derrière féminin, ce qui me mettait en colère et me décevait lourdement. Et puis, le livre s'enlisa dans des bavasseries ineptes qui ont bien failli me faire mourir d'ennui...
J'ai essayé de le relire plus tard, mais je n'ai pas dépassé les premières pages, tant c'est chiant...
J'ai quand même gardé l'exemplaire en égard à la couverture callipyge et aussi en souvenir de cette sensation de honte quand on passe à la caisse, sensation que j'ai retrouvé par la suite, en achetant un martinet, par exemple... ;-)
@mlkklm: Ici donc... Merci pour ce témoignage pas si éloigné du mien. Je connais bien le Furet en question, pour y avoir signé des livres jadis... C'est effectivement LA librairie de Lille et il faut y aller, à 15 ans, pour oser prendre un livre comme ça jusqu'à la caisse...
Très égoïstement et sans même parler de notion de politiquement correcte, je dirai que certaines tendances me la coupe. Je suis bien installée dans un fauteuil moelleux, les ptits oiseaux gazouillent, je me laisse porter par de délicieuses sensations et tac ! On me pique le fauteuil. Je me retrouve le cul par terre de fort méchante humeur...
En parlant de roman il me semble que le votre, en formation triptyque au niveau des compétences, devrait sortir un jour de sa matrice non ? :)
@ellie: Si un jour je sors un roman, il sera de moi...
Mmmh je n'ai peut être pas bien lu sur le blog d'Arthur alors... a suivre :p
"Frappez, et on vous ouvrira." (Matthieu VII)
Mais quel pervers ce Stan ...
Alors- là, faut oser !! Châpeau, l'Artiste ! Peter Pan
L'exemplaire d'"Eloge de la Fessée" qui reste encore dans mes rayonnages est la version "Folio" dont parle MLK.
Notre différence d'âge fait que je n'ai pas eu trop de gêne à l'acheter (j'écrivais des romans érotiques pour "La Brigandine" à l'époque) dans une librairie derrière la rue de Rivoli, je ne sais plus vraiment où...
Mais je suis d'accord avec lui, et je crois bien en avoir parlé ici- même voici quelques années.
Excepté quelques passages, ce petit ouvrage est parfaitement chiant... Et pas du tout dans ma manière de concevoir les jeux de fessée.
On fait remonter ce "classique du genre", pour les nouveaux arrivants...
Lu récemment grâce à vous. Sur le plan culturel, j'ai bien aimé, sur le plan cul, j'avoue rejoindre un peu l'avis de Waldo...
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