Une quelconque notoriété dans son travail et tout devient possible. Moi, mon truc c’est le dessin ! J'en vis pas mal et je commence à avoir un petit nom dans le métier, même avec à peine deux albums sur le marché, lorsqu’une école d’art graphique me sollicite par la bande (dessinée !) et me propose de venir enseigner chez eux, un jour par semaine. Tentant !
C’est à Paris, pas mal payé de l’heure et l’idée me séduit. Mes élèves sont de charmants jeunes gens, garçons et filles fraîchement émoulus du lycée qui n’ont à ce moment de ma vie que dix ans de moins que moi, en moyenne… Ceux qui choisissent d’exercer un métier artistique sont d’ordinaire généreux et partagent volontiers leur savoir avec des débutants passionnés qui ont choisi la même voie qu'eux, lorsqu’ils en rencontrent…
C’est souvent le cas pour un petit pourcentage d’élèves et ce sont eux qui me motivent. Les autres ne me séduisent guère: revenus de tout bien que n'ayant encore été nulle part, ils ont visiblement choisi de passer une année au chaud, au frais de leurs parents (cette école privée est hors de prix, comme souvent ce genre d'institution...) et ne s’intéressent à rien…
Une plaie. Ce sont précisément ceux-là que je devrais entraîner vers le haut, seulement je suis élitiste et n’en ai cure, me concentrant sur ceux qui me ressemblent quand j’avais leur âge, quelques années plus tôt… Au fond, je ne suis pas un bon prof. Sur ce plan précis…
Très vite, on prend l’habitude de se retrouver à la fin de la journée avec un groupe d’élèves - toujours les mêmes - dans une sorte de rituel établi. Un café à vingt mètres de l’école sert de point de ralliement, où nous parlons d’art, d’études, de politique, de tout, de rien... De la vie quoi ! Mes mômes refont le monde, avec le "prof-copain" que j’incarne à leurs yeux, sorte de grand frère déjà passé avant eux là où ils souhaitent aller, graphiquement s’entend…
Et cette détente n’est pas de trop: j’ai en charge les élèves de prépa aux concours des Métiers d'Art et des Arts Déco, soit une centaine de garçons et filles partagés en deux groupes de cinquante, un le matin et un l’après midi, pour sept heures de cours, en deux longues sessions.
J’y donne des sujets publicitaires, illustrations, couvertures de magazine, etc... selon un canevas précis et les rendus sont corrigés (!) la semaine suivante. On suspend tous les travaux à un fil tendu en travers de l'atelier à l’aide de pinces à linge, et je passe devant chaque "œuvre" en commentant assez crûment la qualité. Un moment de rigolade car je suis plutôt assassin, c’est un show qui ne veut pas dire son nom. Quand tout est accroché, on comprend mieux ce qu’il fallait faire sur le sujet donné, mais évidemment un peu trop tard… On fera mieux la prochaine fois. Moment difficile à passer pour l’élève lorsque je m'attaque à son ouvrage pendant cinq longues minutes, décortiquant le rendu au scalpel sous les rires moqueurs (souvent) ou les acquiescements admiratifs (plus rares)…
Je n’ai pas tout de suite remarqué Patricia. Fan de Sarah Moon, grande, le teint pâle, cheveux clairs tirant sur le roux, regard vert, discrète, de faux airs de Valérie Mairesse (jeune...), longues jupes superposées et des pulls informes la dissimulant, ce n’est pas le genre de fille que l’on visualise d’entrée. Par rapport à certaines flamboyantes "gamines" aguicheuses, qui vous parlent en vous regardant droit dans les yeux, provocantes, sûres de leur pouvoir de séduction, seins pointés vers l'avant avec un air de défi dont on dirait aujourd’hui qu’elles "se la jouent", la demoiselle est plutôt de celles que l’on ne découvre belles qu’après les avoir maintes fois croisées sans les voir vraiment. Avant de s’apercevoir un beau matin qu’elles sont totalement pleines de charme…
Elle a 22 ans, moi 30 à peine… La relation prof-élève ne fait pas partie de mes fantasmes inassouvis. En clair, ce n’est pas ma motivation première. Je viens pour enseigner. Oh, j’ai bien de temps à autre un petit flash sur telle ou telle mais sans aller plus loin que l’imaginaire. Patricia, je ne l’ai "vue" qu’avant les vacances de Pâques, au fond.
Tout change avec elle. Bien vite je m’aperçois qu’elle est souvent la dernière à partir à la fin des cours, pour me parler, la dernière aussi à quitter le café le soir après notre rituel d’après cours… On se parle. Peu à peu une forme de confiance s’instaure et nos dialogues vont franchement de plus en plus loin, devenant chaque jeudi davantage encore plus osés que la semaine d'avant.
C’est quand elle me parle de "Nine weeks and half" (9 semaines 1/2") d’Adrian Lyne, son film préféré du moment que nos regards l’un sur l’autre changent imperceptiblement.
Elle a voulu le voir avec sa mère pour lui communiquer son enthousiasme, mais la malheureuse génitrice mal à l’aise (au grand désarroi de Pat l’innocente, qui ne comprend pas que sa maman ne partage pas du tout son émotion sensuelle !) n’y voit lors de la projection qu’une exposition des désirs pervers de sa fille, étalés au grand jour. Bref, maman déteste le film et le lui dit… Zone interdite.
Et belle erreur de jugement: on ne doit pas confronter son érotisme avec celui de ses parents. Jamais !
Elle me parle alors de jeux, de désirs cachés, de sa passion (graphique, rire...) pour les clips que Laurent Boutonnat réalise pour Mylène Farmer (avec en "première ligne" bien évidemment "Pourvu qu'elles soient douces..." qui passe en boucle ces années-là...) et je lui réponds "rapports de force", "fessées érotiques" entre amants complices, évoquant à mots de moins en moins couverts la "domination-soumission" ludique qui est mon credo, sans panoplie, mais néanmoins réelle et pimentée. (et qui j'en suis certain doit aussi être le sien !)
Comme elle semble adorer, prenant son enthousiasme à évoquer la chose pour argent comptant, je l’imagine à tort férue de la chose, expérimentée même… Erreur: elle est vierge, elle me l’avoue sans oser me regarder à la fin d'un de nos rendez-vous, et ne vit ce genre de désir troublant que par procuration, en lecture et imaginaire... sans l’avoir jamais vécu autrement qu’en rêve !
Voilà qui me bloque un temps. Je préfère nettement l'expérience (même courte) au noviciat. Çà change même mon approche et ma vision de la suite, ébranlant mes certitudes... Mais surmontant ma surprise, je lui explique sans rire que j’ai des choses à lui conter "dans le noir", une façon de faire que j'estime plus propice aux troubles pour la faire frémir. Je ne veux pas coucher avec elle (je jure...), mais juste parler la nuit dans une alcôve discrète où personne ne viendra nous déranger, allongé auprès d’elle pour lui raconter des histoires dans le creux de l’oreille... Et pour la faire frémir avant de nous endormir !
Vierge à 22 ans, une rareté...
Inattendu et déconcertant pour moi qui croyais avoir affaire à une demoiselle ayant déjà goûté aux jeux évoqués, vu sa passion pour le sujet. OK, ce n'était que sa vision fantasmée, mais l'envie est la plus forte. Elle veut savoir maintenant pour de bon et en réel de quoi il en retourne.
Alors en secret (je ne suis pas libre) on décide que ce sera un week-end que nous passerons du temps ensemble...
Et je choisis de l’emmener à Étretat… (à suivre)
PS: le dessin en dessous des falaises est de Patty, la créatrice américaine du site "A Creative Spanked Wife" que je vous recommande (voir liens) si vous parlez anglais s'entend... Images et affiche du film de Sergio Gobbi, "les galets d'Étretat", avec Maurice Ronet, Virna Lisi et Annie Cordy, datant lui de janvier 1971...
4 commentaires:
Euh, j'essaye de faire vivre par les mots des choses que j'ai vécues au fil des années et qui comptent pour moi.
Oui, c'est une forme bénigne d'exhibitionnisme. Je ne raconte que la vie. aussi bien quand c'est palpitant que quand c'est raté... les réussites triomphantes sont moins drôles à raconter que les échecs ou les "ratages"...
On exige la suite.....
lundi si tout va bien...
Mmmm, lire vos souvenirs réveillent les miens...
Pour fêter ma soutenance de thèse, mon mari m'avait emmenée sur vos traces évacuer la tension accumulée... Mais ma mémoire me joue des tours, impossible de me rappeler du nom de cet hotel de charme...
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