J'ai découvert les pages de Marie-Gabrielle de Saint-Eutrope il y a plus de trente ans, en 1977. Jusqu'alors, le nom de Georges Pichard ne m'évoquait pas grand-chose et son travail en BD me laissait plus qu'indifférent. Mais là, c'est une autre affaire...
Il y a deux tomes, rassemblés dans une réédition récente.
Cet érotisme-là a été une de mes premières approches dessinées du BDSM. Avec Crepax... Ici, Pichard met en scène son histoire à la façon des romans édifiants "avec morale chrétienne" qu'écrivaient les feuilletonistes du 19ème siècle...
On en fera rapidement le tour, jusqu'à la nausée.
Passées quelques pages amusantes du début et des dialogues savoureux, on s'enfonce ensuite dans une suite d'images et de scènes terribles. L'auteur que j'avais découvert en 68 dans Pilote avec son Submerman tournant désormais en boucle dans une pornographie criarde et violente, sans concessions, page après page.
Les hommes sont tous cruels et ignobles, laids et méchants, des tourmenteurs de femmes torturées, empalées, fouettées et avec des anneaux dans le nez... Comme des vaches.
Inutile de préciser qu'il vaut mieux voir ça au second degré !
Je n'ai jamais rencontré Pichard...
"Pas de "mystère" Pichard, mais un auteur, diligent, doué et travailleur sans être appliqué ou pédago qui triture l'image, la viole, la martyrise au maximum et accumule paradoxes et provocations.
Il ne respecte donc rien ? Bouquet d'horreurs, orgies trépidantes de tortures et d'atrocités, on pourra toujours gloser sur çette esthétique, forme habile de dénonciation humoristique, parodique et satirique moderne dont l'érotisme n'est que la métaphore graphique..."
Les femmes qu'il dessine, que ce soit dans Charlie, avec Paulette ou donc cette pauvre Marie-Gabrielle, m'ont toujours parues vulgaires et bien éloignées de ma libido.
Au fond, c'est rassurant. Pour mes copines...
9 commentaires:
Paulette, j'étais tombée dessus quand j'étais môme en fouillant dans une des bibliothèque des parents (faut pas fouiller dans la bibliothèque de ses parents...)J'avais trouvé cela assez étonnant, très charnel le graphisme. Je me demandais surtout comment la fille faisait pour être aussi souple...
Je trouve ça, à la fois repoussant et fascinant.
@ Emma: c'est tout le "problème"...
Troublant. A mettre en parallèle de certains écrits libertins parfois scatologiques. Les bondages sont intéressants.
Oui il vaut mieux voir ça au second degré mais d'aucun s'en inspire parfois. Laissons les faire, ça les regarde.
Je ne sais pas si être rassurées n'est pas une situation assez ambivalente chez vos "copines", mmm ?
B
Oui, c'est un problème. Je crois que je suis une personne plus "rassurante" qu'inquiétante, pour toutes sortes de choses... Mais l'ambivalence n'est pas pour me déplaire.
Allons, au fond, trop tard pour changer, hein...
Quand au trouble, je suis bien d'accord aussi. Que ce ne soit pas ma tasse de thé dans l'absolu n'empêche pas d'y tremper les lèvres, parfois dans une certaine mesure...
Emma résume très bien ce que je ressens face à ses dessins. Au premier coup d’œil je me suis dit : c’est tellement grotesque que cela devient attirant. Et puis au fur et à mesure le regard se fatigue et l’intérêt décroche.
Les 'cadrages' sont intéressants et originaux.
J'ai fait un long entretien avec Georges Pichard pour un magazine qui s'appelait "ZOOM", dans les années 80. C'était juste avant la publication du premier tome de "Marie-Gabrielle de Saint-Euthrope"; on avait reçu quelques planches choisies au journal, et ça commençait à faire des remous...
Un peu hard, quand même, pour l'époque !...
Mais Glénat allait publier la chose.
Pichard était un homme flegmatique et courtois, très distingué dans son costard à petits carreaux, avec un air British, moustache grise un peu jaunie par la cigarette, le teint rouge brique, façon major de l'armée des Indes...
On a parlé de son œuvre évidemment, qui ne date pas d'hier; de ses difficultés dans le métier qu'ont connues tous ceux qui le pratiquent, et il m'a dit : "j'ai tellement eu de mal à vendre mes dessins au début que ça m'a poussé à accepter n'importe quoi quand on me le propose, je me dis que c'est toujours ça de pris"...
Et naturellement, on a abordé Marie-Gabrielle.
Il avait commencé cette BD à titre personnel des années plus tôt; il y travaillait à ses moments perdus, entre quelques bandes pour la jeunesse et autres illustrations pour diverses revues comme "V Magazine" et pas mal d'autres plus ou moins légères.
Il était très intéressé par les mœurs du monde bourgeois bien-pensant, catholique-hypocrite, masquant sous la respectabilité des abîmes de perversité et de refoulements sexuels...
Mais il est certain que pour avoir mis en image tant "d'horreurs", quelles qu'aient pu être ses motivations prétendues, Pichard révèle là ses fantasmes SM particulièrement riches, d'autant qu'aucun éditeur ne commanditait ladite BD !...
Des amis à qui il avait montré ces planches très privées le convainquirent de les présenter à Glénat, et celui-ci n'hésita guère à en faire un album.
La bande n'était pas complète et Pichard a dessiné la fin pour arriver au nombre de pages nécessaires au bouquin.
Dans la foulée de ce premier album, Pichard commit "Gabrielle en Orient", renouant avec le travail de commande... Et même si certaines images en pleine page sont graphiquement remarquables, l'esprit des débuts n'est plus là; c'est comme dans les "suites" des films à succès, systématiquement inférieures au premier volet.
Et maintenant, voilà notre homme catalogué auteur sado, maso, scato, et pire encore !...
Si ce n'est pas faux, ce n'est pas totalement vrai, ou plutôt, je ne crois pas que ce soit si simple.
@ Waldo: tu ne m'en voudras pas d'avoir reporté ici ton commentaires qui a mon avis sera moins sujet à polémique que là où tu l'as posté.
Mmmm... mais où donc était cet intéressant commentaire... pourquoi nous priver d'une polémique ? ne sommes nous pas bien élevés ?
En mentionnant des écrits scato, je pensais par exemple à Bataille et l'éclairage de Waldo sur la personnalité du dessinateur me conforte dans cette idée.
Masquer des abîmes de perversité sous une apparente respectabilité, voilà qui me laisse songeuse... si en plus cette respectabilité est plus qu'une apparence mais une réelle élégance, n'est ce pas délicieux ? surtout quand le masque tombe. Bon, on comprendra quand même que la perversité ne doit pas être excessive et parfaitement maîtrisée.
Alors... cette polémique ???
B
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