"En 1954, Pauline Réage (en réalité Dominique Aury) offre une étonnante déclaration d'amour à son amant et patron, l'éditeur Jean Paulhan, en publiant un petit livre qui fait aussitôt scandale:
"Histoire d'O"...
Ce roman impose l'imagerie élitiste du SM, le stéréotype du dominateur BCBG et donne au SM ses lettres de noblesse. Après 1968, Alain Robbe-Grillet, réalisateur de films de domination-soumission, écrit "L'Image", chef d'oeuvre du genre sous le pseudonyme de Jean de Berg, contribuant ainsi à faire du SM un jeu cérébral, revendiquant le droit au fantasme et à l'imagination."
Extrait d'un article d'
Anna Mori paru dans
Technikart en Janvier 2001 (et qui contient deux erreurs, voir le P.S. en fin de post) donnant envie de parler un peu de cette littérature si particulière qui nous amène tant et tant d'émois, d'abord imaginaires avant de peut-être devenir bien réels...
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Il y a des lectures qui marquent... Celle du
Paradis des orages, par exemple, magnifique livre de
Patrick Grainville développant au fil des pages un érotisme intellectualisé assez charnel et plutôt sublimé, paru en 86.
Ou de
L'image évoquée ci-dessus donc, une oeuvre à la féminité subtile que je vous recommande chaudement, livre paru l'année de ma naissance et qui m'a longtemps "hanté", façonnant jadis une part de mes fantasmes...
Il y a une scène fort jolie où Claire joue avec sa jeune amie Anne qu'elle domine devant Jean, le narrateur... J'ai vécu quelque chose dans ce style lors de mes années d'étudiant, une histoire d'amour et de possession étrange entre deux femmes dont je fus témoin (malheureusement passif) et que je vous raconterai sans doute un peu plus tard... Si vous êtes sages !
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Bien entendu, j'ai aussi lu en son temps le mythique
Histoire d'O, de
Pauline Réage (anagramme dit-on d'"égérie Paulhan") livre plutôt glacé et distant qui ne me fit ni chaud ni froid (enfin à peine...), que j'ai également vu au cinéma dans l'adaptation plutôt médiocre de
Just Jaeckin (ancien photographe de charme et également réalisateur un an plus tôt d'
Emmanuelle, un an plus tard de
Madame Claude et pour finir en 85 avec
Gwendoline !) avec la jolie
Corinne Cléry dans le rôle titre (
"O", donc...), film qui fit énormément de bruit lors de sa sortie en 75, suscitant dans les journaux d'alors de nombreux articles d'une extrême violence, des campagnes de presse enflammées, des débats à la télévision et l'opprobre de ligues de vertu, bien qu'aujourd'hui il nous semble fort sage et à peine digne d'une diffusion un dimanche soir sur la 6...
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Une
Histoire d'O que j'ai ensuite redécouverte vers la fin des années 70 à travers les planches de l'étonnante adaptation qu'en a faite
Guido Crepax, auteur de la mythique et sulfureuse
Valentina, maître italien de la BD érotique, (qui adaptera aussi par la suite
Justine de
Sade et
Emmanuelle, best-seller d'
Emmanuelle Arsan...) dessinant des dizaines de pages en noir et blanc d'un style graphique maniéré au découpage si particulier...
À remarquer que tout comme pour
Valentina, la belle et gracile
"O" de
Crepax a elle aussi sous sa plume de faux airs de
Louise Brooks...
Cruelle Zélande m'a également bien nourri d'images particulières... Ce livre de
Jacques Serguine d'abord paru anonymement chez
Jean-Jacques Pauvert en 1978 est un pastiche fortement érotique des grands romans d'aventures du 19ème siècle...
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Pour mémoire,
Serguine est aussi l'auteur de
L'éloge de la fessée, sorte d'ode dédiée à sa passion pour sa femme d'une part, pour l'éducation anglaise et la
discipline domestique chère à Monsieur No, webmaster du site du même nom d'autre part... La couverture originale de
L'éloge était beaucoup plus originale que la réédition en poche: on y voyait sur la jacquette un fond rose clair en à-plat, avec une empreinte de main en rouge sombre, imprimée en gaufrage comme une lourde trace bien symptomatique...
"
Ce petit manuel vise à une réhabilitation de la fessée qui a le privilège magique de demeurer un des gestes de l'amour. À partir d'une expérience personnelle, Serguine échafaude une théorie brillante et, en trois chapitres d'une grande précision, raconte pourquoi, quand et comment il pratique la fessée quand il est amoureux. Il fait ainsi une belle démonstration du plaisir, de l'enseignement et du rapprochement qu'un homme et une femme peuvent tirer de son usage. L'Éloge de la fessée est le contraire d'un livre sadique. Il est même attendrissant." (prière d'insérer)
Et je vous dirais bien un mot des
Infortunes de la Belle au Bois Dormant d'
Anne Rice, mais...
"Voilà typiquement le livre que l'on ne doit pas lire si l'on veut conserver une bonne opinion de la créatrice de Lestat le vampire. En lisant ce tissu de niaiseries mal ficelé, on ne peut que regretter comme moi la dépense (plus de 20 euros, aie!)... Ce livre soit-disant érotique se contente de décrire une situation stupide et franchement répétitive... Bref on s'ennuie vite, elle mériterait une bonne fessée, la miss Rice pour avoir osé nous faire croire que la Belle au Bois Dormant était autre chose qu'une belle histoire pour enfant..."
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Ce n'est pas de moi, c'est une critique parue sur le net de l'ouvrage susnommé, mais elle correspond assez bien à ce que j'en pense, au fond. C'est une mienne amie, la jolie K. qui me l'a offert, dans un petit coffret réunissant trois tomes aux titres explicites:
l’Initiation,
la Punition et
la Libération.
Clairement, je me suis amusé à lire les cinquante premières pages, mais ensuite, c'est franchement lourd, assez indigeste et le livre finit par tomber des mains...
À vous de voir.
Rice est quand même l'auteur d'
Entretiens avec un vampire...
Terminons par une réédition (encore) chez
la Musardine d'un classique de la célèbre collection des
Orties Blanches, romans libertins vendus sous le manteau consacrés dans les années 1910-1930 à la "flagellation passionnelle" et à l'éducation anglaise. J'y reviendrai...
Dû à la plume alerte de
Pierre Mac Orlan sous le pseudo évocateur de
Sadie Blackeyes, ce
Petite Dactylo en est un des exemple-types. (à signaler que Wikipedia ne fait pas la moindre mention de son écriture "licencieuse"...)
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"
La production "pornographique" de Pierre Mac Orlan, de l'académie Goncourt, célèbre auteur par ailleurs de La cavalière Elsa, de La Bandera ou du Chant de l'équipage est assez importante et mérite bien l'attention.
Passée pudiquement sous silence pendant longtemps, cette partie de l'oeuvre de Mac Orlan centrée uniquement sur la fessée suscite désormais davantage l'intérêt du public et de la critique. On a pu lire récemment de ces textes qu'ils "ne furent pas des élucubrations indignes de lui, mais des démonstrations audacieuses de ce qu'André Billy nomma le macorlanisme, mélange de rêverie dramatique, d'humour clownesque et de pittoresque intégral..."
Ces livres aux titres évocateurs illustrés en leur temps par
de brillants dessinateurs (le chef de file étant sans conteste
Louis Malteste à mon avis) eurent un réel succès, et ont été réédités au début des années 80 en fac-similés très réussis, copies conformes de l'édition originale. Malheureusement introuvables depuis, ou vendus à des prix prohibitifs pour riches collectionneurs, les découvrir en poche est un moindre mal. L'éditeur promet de les sortir au fur et à mesure... Wait and see.
Tiens, un P.S. (merci à
Nush):
Madame Catherine Robbe-Grillet, épouse du célèbre romancier et cinéaste Alain Robbe-Grillet, a écrit un roman intitulé "L’image" sous le pseudonyme de Jean de Berg puis quelques années plus tard un autre texte "Cérémonies de femmes" cette fois-ci sous le pseudonyme de... Jeanne de Berg. Continuer de prêter l’origine du premier de ces livres à son mari est une funeste erreur et un manque de culture lorsqu’on a la prétention d’écrire un article exhaustif en un lieu d’information "universel".
Dont acte. Précisons que l'article repris en ouverture de ce post est de
Technikart, visiblement pas à l'abri d'une approximation (voire de plusieurs, faut pas faire confiance aveuglément à la presse...) et dont la rédactrice de l'article incriminé est habillée chaudement pour l'hiver... D'autant qu'elle date
l'Image de 1968, alors que l'édition originale est parue aux
Éditions de Minuit en... 1956 !
Reçu un amical petit message que je vous livre:
"J'aurais fait exactement la même remarque que Nush (voir les commentaires) pour Jean de Berg. Et pour Jacques Serguine, ne pas oublier de mentionner "La culotte de feuilles" (pastiche de Robinson Crusoë au féminin et fin XXème siècle) et "Délit de corps", deux ouvrages où la fessée occupe aussi une place non négligeable..."
Une précision pour mon ami
Richard Le Corre, (que je remercie au passage) qui me suggère ces deux autres titres de
Serguine: j'en prends note, mais je ne parle ici pour vous les faire (re)découvrir que des ouvrages que j'ai personnellement lus et m'ayant fait ressentir des émotions au fil des années... C'est pour cela que je n'évoque pas cette
culotte de feuilles ni ce
Délit de corps qui manquent à ma culture...
...Mais que je vais évidemment très vite prendre le temps de découvrir !
Que tout ceci ne vous empêche pas de lire
l'Image toutes affaires cessantes si vous ne l'avez déjà dans votre bibliothèque, vous découvrirez un trouble récit "initiatique" fort plaisamment écrit, avec une bien jolie conclusion...
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PPS:
Je découvre avec horreur qu'une adaptation cinéma a été faite de ce magnifique livre... Et qu'il en a été tiré un de ces téléfilms mal doublés que diffuse
RTL9 lors de ses soirées libertino-cul.
Impossible à priori de faire passer les sentiments violents, puissants et romantiques décrits page après page au travers d'un érotisme filmé, forcément caricatural, ridicule et réducteur... Avec le slogan "Ultra Erotic" sur le visuel du DVD réalisé par
Radley Metzger, un illustre inconnu, on s'attend au pire.
Forcément !
Mais à vous d'
en juger en dernier lieu, évidemment...