03 juillet 2010

"Wanna be bruised!"

1754 - "Douce douleur"...

Des mots qui s'opposent, apparemment. Mais ici se rejoignent dans un texte de Chut... J'aime beaucoup son écriture, son histoire, ses mots. Partage:

"Ainsi, une après-midi, je me coulais contre le flanc d'un amant pour chuchoter: "Spank me hard… I wanna be bruised !" ("Fesse-moi fort, je veux des marques !")

Je me souviens de son regard presque affolé. Me fesser, il était à la rigueur d’accord. Mais si fort qu’il m’en couvrirait de bleus, cela le dépassait, le gênait dans sa morale de bon garçon. "On ne frappe pas les femmes, même avec une rose"...

Foutaises. 

Si je veux la rose, j’en veux surtout les épines. Je veux qu’elles me lacèrent, me fendent, me déchirent. Je veux en hurler, en saigner même. Je veux des traces qui nous unissent, mon amant et moi, en secret.

Bleu, rouge, jaune, couleurs de notre alliance dérobée aux autres, ces étrangers devant lesquels, au café, au restaurant, nous présentons bonne figure. Pour eux, le gémissement retenu alors que je m’assois ne signifie rien. Pour nous, il signifie la chambre, l’intensité, la lanière, le claquement, la jouissance. 

Ces marques sont les preuves d’un moment qui dépasse le moment. D’un espace retiré où, animaux, vivants, nous fusionnâmes dans la chair et le sang. Ces marques sont à la fois mes trophées et mes rappels. Ornements dérisoires d’un lien qui fut, inscriptions en espoir d’un lien à venir..."
Extrait de texte © "Sous le signe du lien" - Juin 2010 
Image © Guy Wilga

30 commentaires:

Nush a dit…

Un texte aguichant. Ecrit avec des tripes.
Cette non-retenue des mots, des gestes, des pensées, qui est si bien décrite, comble la lectrice que je suis.
J’aurais pu vivre cela ; d’ailleurs c’est possible de l’avoir déjà vécu ou bien.....peu importe.
Ce sont les "bonnes raisons" pour s’adonner à la fessée et aux marques. Oui.

Stan/E. a dit…

J'aime beaucoup ce texte, preuve supplémentaire si besoin en était du jusqu'au-boutisme des filles par rapport aux gars en matière de désir.

J'ai vécu ça. C'est très intense quand elle vous chuchote de la corriger sans vous soucier de ses cris, de lui imprimer votre hargne sur les fesses sans écouter ni ses suppliques ni ses hurlements...

Chut ! a dit…

Nush, Stan,
merci à vous deux pour vos mots. Et merci à toi, Stan, d'avoir reproduit une partie du texte sur ton blog. C'est drôle mais en l'écrivant, j'ai aussi pensé à... toi !

Ce que tu dis sur le jusqu'au-boutisme des filles résonne en moi. Je vais expliquer de mettre des mots dessus, mais pas gagné, car c'est assez confus.
Chez les hommes aussi ce total abandon existe, notamment dans les relations D/s où ils peuvent s'abandonner, corps et âme, aux mains (fantaisies, cruautés...) de leur Maîtresse. Mais chez les femmes, cette absolue reddition me semble recouvrir (toucher, effleurer) une dimension sacrificielle moins présente chez les hommes. Plus qu'un don de soi, c'est une communion avec l'autre dans un espace qui dépasse celui de la relation (et partant, de la nécessaire confiance pour se laisser aller ainsi).
Je ne sais l'expliquer autrement que par images, religieuses qui plus est : la vision qui s'impose à moi est celle de la crucifixion...
Pénitence et plaisir sont étroitement liés dans mon imaginaire fantasmatique, imaginaire qui tourne lui-même autour de l'idée de dévotion, de "dépose de soi" dans le sein de l'autre.
Désolée de ne pas être plus claire, il m'est difficile de décortiquer ces ressentis-là.
Vous croyez que je devrais resigner pour psychanalyse ? :)

PS/ Nush, c'est pour Eluard ou rien à voir ?

Nush a dit…

@Chut: bien sûr que c'est 'pour' Eluard; mais encore plus un hommage aux 'muses' en général. Sans doute que lorsque j’ai choisi ce pseudo (il y a de nombreuses années déjà…) j’aurais aimé être celle qui incarne un ‘œuvre’.
Contrairement à ce que vous écrivez, vous êtes parfaitement claire dans la description de ces moments où l’on se détache de soi pour aller ‘vers l’autre’.
Et le vocabulaire religieux (catholique ou autre...) me semble adéquat. Il y a dans les extases religieuses (je suppose….) ce sentiment de plénitude et d’abandon total qui est le propre de ces moments fugaces et magiques qui parfois se révèlent au détour d’un acte sexuel et érotique.
J’adhère complétement à votre analyse.
Vous croyez que le psychanalyste nous proposera un prix de groupe ??! :-)

Chut ! a dit…

Nush-Gala,
ah ouf, de l'embrouillamini de mon cerveau sortent parfois des idées intelligibles !
J'ai plaisir à ce que votre ressenti rejoigne le mien : la plupart des gens ne comprennent pas du tout ce type de relations, se bloquant dans un refus catégorique qui ne laisse aucune place à la discussion. Ou jugent trop rapidement, accusant leur vis-à-vis de trouver des justifications emberlificotées à ce qui n'est, à leurs yeux, que pure perversion.

Pour le psychanalyste : essayons donc ! Avec la contrainte supplémentaire de la visio-conférence au vu de ma position géographique (chic, je vais pouvoir manger des chips en me faisant sonder le cerveau sur canapé !).

Stan/E. a dit…

Chouette dialogue, merci les filles. Visio conf, Chut, vous êtes donc si loin ?

Stan/E. a dit…

... en Malaisie, c'est ça ?

Chut ! a dit…

Depuis quelques mois aux Philippines... La Malaisie (côté Bornéo) était le pays juste avant. A priori et malgré ma bougeotte, je ne décolle pas d'ici avant un petit moment.
Je me suis d'ailleurs amusée à regarder les provenances de tes lecteurs. Et bien le point rouge perdu au bout d'une île asiatique, c'est moi !

Stan/E. a dit…

Là...? Waoh... Effectivement, une lectrice du bout du Monde, j'avais lu des choses au début, en feuilletant le blog, mais ensuite, je lis moins en détail, sautant sur un mot, une phrase qui me parlent pour rédiger les posts...

Chut ! a dit…

Pas exactement : Cebu est sur une île voisine, à 1h30 en (speed) ferry, mais l'échelle de la carte ne permet pas de pointer "mon" petit bout de terre. J'ai laissé au fil du temps pas mal de points rouges sur ta carte du monde, du sud de la Thaïlande à l'ouest de la Malaisie, en passant par l'Indonésie et Singapour. Ca doit s'appeler quelque chose comme la constance dans le mouvement. :)

Amoureuse a dit…

"La constance dans le mouvement" j'aime beaucoup, la vie qui coule. Bel échange à vous lire et j'adhère aussi, pour la visio- conf je prends mon ticket.

Stan/E. a dit…

Deux filles, chacune sur une île à un bout du Monde et moi au milieu...

Ce qui permet une vue intéressante.

Pourquoi je pense à Bassompierre ?

La Reine-mère (dont il était secrètement amoureux) dit un jour: «J'aime tant Paris et tant Saint-Germain, que je voudrais avoir un pied à l'un et un pied à l'autre !"

"Et moi," dit Bassompierre, "je voudrais être à Nanterre."»

Or, comme chacun sait, Nanterre se trouve à mi-chemin entre Paris et Saint-Germain-en-Laye.

Am' a dit…

Ah la la "voir sous les jupes des filles", pas étonnant qu'on en fasse des chansons!

Ellie C. a dit…

Très JOLIII ! enfin pas Nanterre mais... :)

Nush a dit…

Moi aussi je regarde.....:-)

Chut ! a dit…

Nous voilà donc tous réunis pour la visio ! Je vais acheter les chips. :)

Stan/E. a dit…

La visio, Chut, quand vous voulez, hein. Les observations d'une grande voyageuse expatriée, ça m'intéresse.

Chut ! a dit…

Réfléchissons-y ! :)
Pour le reste, je crains dans l'immédiat de vous décevoir : mes observations se bornent au mur d'en face... mais pour la bonne cause (ouverture d'une parenthèse de vie après les :) : étant interdite de plongée depuis un bon mois, je me consacre sérieusement à mon premier roman. Une trentaine de pages prêtes pour l'instant, je commence à chercher des lecteurs...
Prise dans les alambics de mes cuisines, il m'est impossible de savoir si les chapitres écrits mettent l'eau à la bouche. Ou si j'ai définitivement gâté la sauce.

Stan/E. a dit…

@ Chut : un roman, hein... Gageons que vous avez déjà des lecteurs convaincus ici. Euh sinon, vous avez un resto ? Un club de vacances ? De plongée ?

Chut ! a dit…

Merci beaucoup, Stan. Je vais essayer de tenir la distance, cette fois !
Euh... Je n'ai pas compris les questions. Sont-elles en rapport avec les alambics ? J'aurais aussi pu écrire "distilleries", l'écriture, l'ivresse, le flacon, tout ça. :)
(Non, non, je ne carbure pas au Tanduay ! Et mes compétences de cuisinière se limitent aux oeufs brouillés !)

Stan/E. a dit…

C'est pas si simple qu'on croit, de réussir de bons oeufs brouillés... Et c'est excellent quand c'est bien fait. J'adoooore.

Stan/E. a dit…

@ Chut: pour ne revenir au jusqu'au-boutisme des filles, je vous propose de lire deux posts que j'ai commis sur le sujet et qui seront sans doute plus utiles pour me faire entendre...

Le premier

Le second...

Garanti authentique...

Stan/E. a dit…

Point de Chut(e) ? Je viens de relire quelques-uns de vos posts, c'est vrai qu'il y a matière et écriture à faire un livre de toutes ces sensations.

Quand je lis à quel point est encensée Anna Gavalda, dont je viens de "déguster" un ouvrage déprimant, et aussi un film ("je l'aimais" où Auteuil développe un énième personnage de PDG "blasé-par-la-vie-mais-découvrant-l'amour") adapté d'un de ses écrits, je me dis qu'on doit pouvoir vous trouver en librairie très vite.

Chut ! a dit…

Cher Stan,
désolée de ma réponse tardive. Internet connaît des hauts et des bas ici, et on est depuis cette nuit dans une période de très bas !

J'ai une foule de choses à vous répondre... essayons.
Pour l'écriture : je vous remercie sincèrement. C'est un des domaines pour lequel je doute le plus, jamais tout à fait contente et sûrement trop perfectionniste.
La difficulté d'un roman tient pour moi à sa longueur, autant pour l'investissement temps qu'il représente que pour la narration elle-même. Je crois que mon style (ou ma façon d'être, mais les deux sont étroitement imbriqués) s'accommode mieux du fragment que du récit. J'ai plaisir à me plonger dans un instant, à tenter d'en extirper la sève, à m'attarder sur des impressions fugaces... C'est une façon, certainement, de saisir le réel (la vie) qui m'échappe car trop fluide, coulante, un peu comme un peintre fixe un mouvement sur la toile avant de la passer au vernis.

Par ailleurs, les transitions, ces moments de creux dans lesquels il ne se passe pas grand-chose, m'ennuient. Animer mes personnages entre deux scènes qui m'intéressent relève de la gageure !
Je ne suis pas non plus douée pour les dialogues, souvent artificiels sous ma plume, sorte de parodie de réel qu'il m'est difficile de restituer.
Mais malgré tout cela... j'écris, en espérant que le travail puisse parfois faire office d'inspiration.

De Gavalda j'ai lu ses nouvelles et Ensemble, c'est tout (et peut-être d'autres que je ne me rappelle pas). Elle ne fait pas partie de mes auteurs favoris, mais elle a incontestablement un don pour le récit, une tendresse pour ses personnages qui me touche. Ses oeuvres ne me "collent pas au corps", elles me distraient façon bonbons à croquer. C'est assez, car je suis difficile ! :)

Je poursuis sur un autre comm' pour le versant jusqu'au-boutiste des femmes. Celui-ci est déjà bien long.

Stan/E. a dit…

@ Chut: Pour la longueur des posts, rien à dire. plus on en dit plus je suis content. Je déteste les commentaires top courts ou laconiques qui ne développent pas ou laissent en suspens des choses pourtant essentielles.

quand au délai de réponse, hein, il vous sera beaucoup pardonné. Y'a quand même une différence de fuseau horaire assez conséquente qui du coup permet un décalage d'office.

Ravi de ce dialogue qui s'instaure, je ne doute pas qu'il y aura des échos de filles...

Chut ! a dit…

La suite, donc.
Merci de m'avoir mis vos billets en lien. Je ne les avais pas lus, me déplaçant beaucoup à cette époque.

Ces femmes franchissent leurs limites intérieures ainsi que celles de la douleur, oui. De là cette frénésie, cet élan qui les portent toujours plus avant, les poussant (forçant ?) à en réclamer davantage.
Mais le dépassement se fait dans les deux sens... A leur jusqu'au-boutisme répond le vôtre, votre acharnement à les satisfaire, car vous auriez pu d'un mot sortir du jeu ("jeu" ne convient d'ailleurs pas ici : dans ces moments-là, on est au-delà du jeu avec ses connotations de factice, de rôles, mais bien, tout masque abattu, dans la vérité et sa crudité toute nue).

Les scènes des billets m'ont replongée dans mes souvenirs. Au cours de ces dernières années, j'ai initié trois amants à une sexualité D/s (plus compliqué que ça, en fait, mais l'abréviation est commode). Parmi eux, l'homme évoqué dans Douce douleur et Feu mon Amour.
Pour eux trois ce fut une révélation. Intense autant que bouleversante, car elle leur apprit qu'il existait en eux-mêmes des portes (zones intimes, fonds obscurs) qu'ils n'avaient jamais soupçonnés. Découverte perturbante à 30 ans passés, alors qu'on est persuadés bien se connaître !

Si je les ai guidés vers mon désir, celui-ci n'aurait rien été sans leur implication. Mais encore fallait-il qu'ils se dépouillent de leurs hésitations, a priori moraux, résistances internes... bref, de ce vernis de civilisation qui n'avait pas sa place dans nos ébats.

Avec Feu mon Amour, mon jusqu'au-boutisme fut en passe d'être pulvérisé... par le sien. Je découvris - avec ravissement et presque avec effroi - qu'en peu de temps l'élève avait dépassé la maîtresse. Lui qui avait abattu ses propres limites me mettrait bientôt en position soit de reculer les miennes, soit de freiner des quatre fers...
L'histoire s'est cependant arrêtée avant que nous en arrivions là.

Cette inversion m'a profondément marquée - et pas que dans ma chair ! Il en reste le regret d'un amour perdu et d'une curiosité non satisfaite (Jusqu'où serait-il vraiment allé ? Jusqu'où m'aurait-il conduite ?). Le regret, certes, mais aussi une satisfaction, puérile peut-être : quoi que et qui que connaisse ensuite cet homme-là, j'ai été et resterai la première. Et en ce sens, l'ai frappé autant que lui, mais pas avec les mêmes armes.

Chut ! a dit…

Vous m'en faites bégayer !
Souci avec les commentaires ou ma connexion Internet ? Heureusement rien ne s'est perdu, et c'est là le principal !

PS/ Pendant que j'y suis, existe-t-il une procédure raccourcie pour poster des comm' sans avoir à renseigner les rubriques "compte" et "identité" ?

Stan/E. a dit…

Pour les commentaires, je ne suis pas un spécialiste, mais je clique dans Nom/URL, ensuite chez moi ça reste en mémoire. Il suffit de cliquer sur l'onglet et le pseudo apparait...

Pour ne pas perdre, il m'arrive d'écrire dans Word et de faire un copié/collé, c'est une façon de conserver les choses en cas de souci technique.

Chut ! a dit…

Cher Stan,
j'essaie selon vos indications pour les comm', on va voir si ça marche (merci !).
Comme vous vous en doutez, je préfère "confronté" à "opposé". "Opposé" suppose séparation, divergences à la limite du résorbable... Avec "confronté" il y a matière à superpositions et réajustements. :)
J'utilise aussi "jeu", mais jamais aucun amant n'en a pris ombrage. Peut-être résonne-t-il, en effet, différemment chez les hommes et les femmes. Ou que le femmes, lorsqu'elles se livrent vraiment, ont l'impression que le terme n'est pas à la hauteur de ce qu'elles ont "lâché". Comme s'il remettait sur le plan du simple amusement (même si c'en est aussi un !)une partie non négligeable de la bagatelle.

Je comprends très bien ce plus dont vous parlez. Initier quelqu'un à de nouveaux plaisirs peut prendre du temps, beaucoup de confrontations (au sens de plus haut), et laisse aussi peu de marge à l'erreur. L'envie d'explorer un domaine est bien moins forte quand l'éducation a été ratée - ou demi-réussie !
Le plus troublant reste pour moi, je l'avoue, de permettre à un partenaire de révéler ce qui (qu'il) (s')était caché jusqu'alors. Plus qu'une initiatrice, je suis davantage une "guide"... Et si j'ai toujours aimé visiter les chefs-d'oeuvre en péril, j'ai un goût encore plus prononcé pour les travaux en chantier. :)

Stan/E. a dit…

Oui, pardon, en me relisant je vois un "opposé" qui n'est assurément pas le bon terme. En tout cas qui peut prêter à confusion et quiproquo...

Une joute amoureuse nécessite deux "adversaires" au sens noble du terme, assurément...

Confronté, bien entendu. C'est le mot juste cette fois.

Pour le reste, oui, tout comme vous j'aime être initiateur de temps à autre, je le fus...

Mais il faut pour ça des complices qui en ont envie autant que moi. Et au fond c'est désormais assez évident pour moi depuis quelques années, savoir qu'on a face à soi une femme qui se passionne sur le sujet depuis sa tendre enfance à travers lectures films fantasme et propre expérience est plus motivant que de se "confronter", donc, à une demoiselle même active et passionnée mais qui découvre tout du fantasme à travers mes schémas.

Quitte à ce que l'élève ne dépasse le maitre comme de juste.

Mais encore plus qu'adversaires, je préfère "complices". J'ai eu le bonheur de ne pas être frustré de ces choses au cours de ma vie... Tout ce qui vient ne sera que réussi ou ne sera pas.